Rapport d’activités 2011

Le contexte politique
Les événements marquants de l’année 2011 ont été l’émergence de mouvements sociaux inattendus et puissants contestant l’ordre social établi : les révolutions arabes et le mouvement « Occupy Wall Street ».

Les révolutions arabes – des soulèvements populaires contre des dictatures corrompues, répressives et bien établies – ont débuté en Tunisie en décembre 2010, pour s’étendre à l’Égypte en janvier 2011, à la Libye en février, au Bahreïn en mars, à la Syrie en avril et au Yémen en juin.

Jusqu’à présent, seuls les peuples de Tunisie, d’Égypte, de la Libye et du Yémen sont parvenus à renverser leurs dictateurs. La Tunisie a réussi à établir une démocratie stable, l’Égypte connaît une confrontation entre les mouvements démocratiques et l’armée, qui conserve un pouvoir politique considérable, la Libye et le Yémen sont pour l’instant encore instables, au Bahreïn, le mouvement démocratique doit encore l’emporter et la Syrie est enlisée dans une guerre civile dont l’issue est incertaine.

Ces évolutions n’ont eu qu’un effet limité sur le mouvement ouvrier. En Tunisie, la principale centrale nationale, l’UGTT, par une volte-face impressionante, a fait fi de son soutien de longue date au régime Ben Ali pour rejoindre le mouvement démocratique. D’autres centrales nationales sont apparues (CGTT, UTT), mais leur influence semble limitée.

En Égypte, deux nouvelles organisations syndicales sont apparues au cours du soulèvement démocratique. La Fédération des syndicats égyptiens indépendants (acronyme anglais EFITU) a été formée en janvier, et le Congrès syndical démocratique égyptien (EDCL) établi en octobre avec le soutien de 149 syndicats. Ces deux organisations représentent aujourd’hui plus de 300 syndicats, à la fois des syndicats plus anciens qui ont quitté la Fédération syndicale égyptienne (ETUF) et de nouveaux syndicats qui ont vu le jour depuis la révolution. L’ETUF, auparavant contrôlée par l’État, bien que très affaiblie, continue à exister.

Notre camarade Kamal Abbas, coordinateur général du Centre pour les services aux syndicats et travailleurs (CTUWS), un organisateur de longue date de l’opposition syndicale au régime Moubarak, risque une peine de prison de six mois pour avoir “insulté un représentant des pouvoirs publics” lors de la Conférence internationale du travail de 2011 (il avait en fait publiquement contesté le droit du délégué de l’ETUF à représenter les travailleurs égyptiens). Le GLI participe à la campagne internationale appelant les autorités égyptiennes à abandonner les poursuites à son encontre.
Lors d’une émouvante démonstration de solidarité et de conscience internationales, les manifestants de la place Tahrir du Caire, l’épicentre du soulèvement démocratique, ont fait part en février de leur soutien au mouvement des employés des services publics américains du Wisconsin qui luttent contre les républicains de cet État pour préserver leur droit à la négociation collective, et en octobre, au mouvement Occupy Wall Street aux Etats-Unis.

Le mouvement Occupy Wall Street (OWS), qui a débuté à New York le 17 septembre, s’est transformé en un mouvement national et international, essaimant en des centaines de groupes organisant des manifestations dans leurs propres communautés. Avec son slogan « We are the 99% » (Nous sommes les 99%), le mouvement OWS est parvenu à faire pencher la politique américaine à gauche et à marginaliser le « Tea Party » d’extrême-droite.

Ni les syndicats, ni la gauche traditionnelle n’ont joué un rôle de premier plan dans le mouvement OWS qui a, au départ, été pour l’essentiel organisé par de jeunes militants sans expérience politique ou organisationnelle préalable. Un certain nombre de syndicats se sont toutefois joints par la suite au mouvement, d’abord à New York ( le Transport Workers’ Union, des sections locales du SEIU, Workers United, United Federation of Teachers), puis en Californie (ILWU). Le président de l’AFL-CIO Richard Trumka a fait part du soutien de son organisation le 30 septembre et la présidente du SEIU Mary Kay Henry a été arrêtée avec des militants d’OWS lors d’une journée d’action le 5 octobre. Des actions importantes de soutien mutuel ont eu lieu, malgré quelques frictions entre les syndicats et les militants d’OWS à propos des tactiques employées.

Avec l’adhésion de plusieurs autres organisations de la société civile, OWS est devenu un mouvement de masse aux Etats-Unis et qui s’est par la suite étendu à l’échelle internationale. Le 15 octobre, des manifestations ont été organisées dans plus de 950 villes de 82 pays. Alors que certaines d’entre elles ne comptaient que quelques centaines de participants, d’autres ont réuni des centaines de milliers de personnes. La manifestation la plus importante s’est déroulée à Madrid avec un demi million de manifestants (plus d’un million pour l’ensemble de l’Espagne).

Par une déclaration inhabituelle mais bienvenue, le 17 novembre, la secrétaire générale de la CSI Sharan Burrow a promis le soutien de la CSI : « Nous soutenons et défendons le droit à demander le changement. Ce seront les travailleurs, et non les banques, qui sortiront le monde de la crise économique. Nous ne devons pas croire que le système financier puisse rester un pouvoir invisible et indépendant. Nous allons reconstruire l’économie pour les 99%. Les syndicats du monde entier soutiennent et se joignent à ces efforts et sont inspirés par les exemples quotidiens de ces 99% debout, ensemble. Nous sommes les 99% ». Il n’est toutefois pas clair quelle action, si action il y a, la CSI compte entreprendre pour donner un contenu concret à son soutien.

En Europe, les mouvements de protestation ont ciblé les politiques « d’austérité » que les gouvernements de droite comme les gouvernements sociaux-démocrates ont imposés aux populations de leurs pays en réponse à la crise financière de la zone euro. Les sondages montrent que ce ne sont pas seulement les manifestants, mais également la majorité de la population européenne qui ont maintenant compris que la crise de la dette résulte de décisions politiques et que « l’austérité » est un langage codé pour qualifier une attaque en règle contre la classe ouvrière (ou dans le jargon actuel, la « classe moyenne »), une attaque caractérisée par le démantèlement de la protection sociale, les baisses des salaires et des retraites, l’affaiblissement des droits syndicaux, dont le droit de grève, la privatisation et la libéralisation des biens publics, etc.—en d’autres termes, l’ensemble du dogme néolibéral.

En 2011, les réponses à cette attaque ont été faibles. En Grèce, le pays le plus durement touché, les syndicats se sont battus seuls. Alors que la situation méritait un appel à une grève générale européenne, la CES n’a rien su faire d’autre que de donner des avis aux gouvernements sur comment sauver le capitalisme de lui-même et d’avancer des demandes dont tout le monde savait qu’elles seraient ignorées. Le congrès de la CES (Athènes, mai 2011) a bien adopté une proposition des confédérations espagnoles (CC.OO et UGT) d’examiner la faisabilité de grèves coordonnées ou d’une grève générale, mais la plupart des affiliées étaient clairement peu préparées à agir dans ce sens. Même la modeste proposition de l’Union syndicale suisse visant à lancer une Initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée « Pour une Europe sans dumping salaria—priorité aux droits sociaux fondamentaux sur les libertés économiques » n’a pu être adoptée en raison des objections de certaines confédérations (France, Italie, Royaume-Uni, Nordiques) qui ont fait valoir qu’une telle action ne ” faisait pas partie de leurs traditions”.

Dans la tradition politique suisse, de telles actions sont bien sûr régulièrement utilisées par les syndicats et la gauche pour faire abroger des législations antisyndicales, pour sensibiliser et mobiliser les membres de la base syndicale. Au titre du traité de Lisbonne, une ICE peut être lancée sous réserve de réunir un million de signatures. Elle aurait un effet similaire au plan européen, en mandatant l’Union européenne de façon à adopter des lois qui donnent la précédence aux droits sociaux fondamentaux sur les soit-disant “libertés économiques” dans l’ensemble de l’UE et constituerait une première étape d’une résistance syndicale coordonnée au niveau européen.

La conjoncture politique générale en 2011 est paradoxale. Depuis les années 1930, le capitalisme n’a jamais été autant discrédité qu’aujourd’hui. La crise qu’il traverse en tant que système économique et modèle de société est généralement reconnue, même par les commentateurs conservateurs, et est reflétée par les sondages d’opinion et la presse financière. Et pourtant, même maintenant, le mouvement ouvrier et la majorité de la gauche sont désarmés face à cette crise, incapables d’y répondre sérieusement ou de proposer une alternative crédible.

La raison de cet échec tient à la guerre idéologique menée, ces vingt dernières années ou plus, par le patronat contre le mouvement ouvrier et la gauche dans les anciens centres industriels d’Europe et d’Amérique du Nord, parallèlement à la désindustrialisation et à l’affaiblissement des syndicats. Le mouvement ouvrier, majoritairement confiant dans le compromis social conclu après-guerre, n’a pas vu venir ce qui allait advenir. Certains syndicats n’ont toujours pas compris et recherchent des solutions nationales. Une grande partie du mouvement socialiste a succombé et capitulé, privant le mouvement ouvrier de ses repères historiques. La classe ouvrière en dehors de ces anciens centres industriels n’a pas encore repris le flambeau, que ce soit en Amérique latine, où le mouvement ouvrier s’est pourtant généralement rétabli, en Chine, où émerge un nouveau mouvement ouvrier ou dans d’autres pays où le mouvement ouvrier est actif et militant.

Le capitalisme, aussi discrédité qu’il soit, et aussi inquiet qu’il puisse être, malgré ses provocations et son manque de vergogne habituel, contrôle les mécanismes de la répression et les médias utilisés pour faire passer ses messages insidieux. Dans les luttes futures, le mouvement ouvrier redécouvrira son destin politique et international. Le GLI apportera sa modeste contribution à ce processus.

Le GLI en 2011
Une évolution importante de 2011 a été le travail entrepris conjointement par le GLI Royaume-Uni et le GLI Genève pour préparer l’université internationale d’été prévue pour juillet 2012 au Northern College, Royaume-Uni. Ce séminaire politique à l’attention de syndicalistes a pour objectif de créer un espace de discussions sur les politiques du mouvement ouvrier international et sur les manières de résister et de répondre à l’offensive néolibérale. L’université d’été est soutenue et partiellement financée par Unite the Union et d’autres syndicats britanniques et parrainée par trois fédérations syndicales internationales (IBB, ITF et UITA), avec la participation de la FIOM. Quelques quatre-vingts participants/es de vingt pays sont attendus à ce séminaire.

Lors de la Conférence internationale du travail de 2011, le GLI a, avec WIEGO et l’UITA, activement aidé le Réseau international des travailleurs/euses domestiques (IDWN) dans le domaine de la coordination et de la logistique, ce qui a rendu possible l’adoption de la convention 189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Nous faisons aujourd’hui campagne avec l’IDWN pour obtenir la ratification de cette convention.

Le GLI continue à être actif au sein de WIEGO : Karin, qui avait été temporairement affectée par WIEGO à l’UITA en tant que coordinatrice de l’IDWN, jusqu’en août 2011, a retrouvé sa position de représentative de WIEGO pour l’Europe. Dan est membre du comité consultatif du Programme d’organisation et de représentation de WIEGO. Le GLI continue également à mener campagne pour la ratification de la convention 177 de l’OIT sur le travail à domicile.

En coopération avec le Centre Praxis (Moscou), Dan a collaboré à la préapration d’une édition russe du livre de Wilebaldo Solano Le POUM : Révolution dans la guerre d’Espagne pour lequel il a rédigé une introduction (voir site internet du GLI). Il a également préparé, avec Svetlana Boincean, la représentante de l’UITA en Moldova, une édition roumaine de sa brève histoire du mouvement syndical. Ces deux publications devraient être disponibles courant 2012.

En 2011, le GLI est intervenu dans le cadre de 47 actions d’urgence en défense des droits syndicaux, principalement à la demande de LabourStart, mais également à la demande de l’UITA et de la Commission asiatique des droits de l’homme.

Réunions
DG = Dan Gallin ; KP = Karin Pape
14 janvier (DG) : l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière, réunion générale des membres, Zürich
18 février (DG) : Erstes Forum Gewerkschaftsforschung Schweiz – Zur Rolle von Forschung und Lehre für die gewerkschaftliche Arbeit der Schweiz (Premier Forum sur les études syndicales en Suisse – Rôle de la recherche et de l’enseignement dans les activités syndicales en Suisse), Fribourg
12-13 mai (DG) : « Beyond Precarious Labor: Rethinking Socialist Strategies » (Au-delà du travail précaire : repenser les stratégies socialistes), une conférence sponsorisée par le Center for Place, Culture and Politics de la City University of New York (CUNY) et le Socialist Register (co-sponsorisée par le Committee on Globalization and Social Change), New York
1er-17 juin (DG, KP) : 100e Conférence internationale du travail, Genève (La CTI de 2011 était exceptionnelle dans la mesure où le GLI (Karin Pape en particulier), en coordination avec WIEGO et l’UITA, a participé aux nombreuses activités en soutien des travailleurs/euses domestiques, et en particulier du Réseau international des travailleurs/euses domestiques (IDWN), qui leur ont permis de remporter l’adoption de la convention 189 de l’OIT sur les travailleurs/euses domestiques.
10 juin (DG) : Réunion avec Kamal Abbas et Rahma Refaat (Centre égyptien des services aux syndicats et aux travailleurs), Genève
2-3 août (DG) : Réunion conjointe des conseils de fondation des 3 GLI, Genève

WIEGO
3-5 mars (DG) : Atelier : « Syndiquer les travailleurs/euses de l’économie informelle – Construire et renforcer les organisations basées sur leurs membres », Bangkok
26-27 mars (DG) : Conférence internationale « Réglementation du travail des travailleurs à domicile indépendants », Sofia
2 avril (KP, intervenante, DG) : « Nouveaux droits pour les travailleurs/euses domestiques », conférence co-sponsorisée par UNIA, Denknetz (groupe de réflexion syndical) et l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière, Berne
17 août (DG, KP), Programme d’organisation et de représentation, téléconférence
9 octobre (KP) : Comité consultatif du Programme d’organisation et de représentation
10-11 octobre (KP) : Réunion du Comité exécutif de WIEGO
12-15 octobre (KP) : Retraite du personnel de WIEGO, Accra, Ghana

Collège du Travail
21 janvier, 8 juin, 19 octobre (DG) : réunion du conseil de fondation, Genève

Solifonds
5 mai (DG) : réunion du conseil de fondation, Berne ; 3 novembre (DG) Zürich
Pages de Gauche
28 janvier (DG) : réunion du comité ; 20 avril (DG) : réunion du comité ; 17 juin (DG) : Assemblée générale ; 30 septembre (DG) réunion du comité, Lausanne

Cercle d’Olten
29 janvier (DG), 19 novembre (DG) : réunion du comité

Publications
Une version abrégée de The Labour Movement de DG est parue dans l’anthologie Global Activism Reader, éditée par Luc Redams, The Continuum International Publishing group, New York et Londres, 406 pages, 2011, (ISBN 978-1-4411-7955-5)

Secrétariat
Karin Pape a repris son poste de conseillère de WIEGO pour l’Europe en août après avoir été temporairement coordinatrice du Réseau international des travailleurs/euses domestiques, une position reprise par Elisabeth Tang. De par son poste au sein de WIEGO, Karin reste activement impliquée dans les mouvements de travailleurs/euses domestiques et à domicile. Elle continue à travailler à temps partiel au GLI comme assistante administrative.

Comme par le passé, Oscar et Nora Payuyo ont continué à assurer les nettoyages et l’entretien.

Finances
Mme Mariane Grobet-Wellner a tenu les comptes du GLI pendant l’exercice écoulé. M. Roland Laube (BERO Treuhand AG) a été nommé auditeur externe par le conseil de fondation du GLI lors de sa réunion d’août 2011.