100 ans de socialisme démocratique dans le mouvement syndical et maintenant, ceci …
par Dan Gallin. Discours d’ouverture à la Première Université d’Eté des GLIs , en juillet 2012, au Northern College (près de Manchester).
Amis et camarades,
Je veux vous souhaiter la bienvenue à cette première université d’été des Global Labour Institutes, des trois instituts, celui de Manchester, celui de New York à l’Université Cornell et celui de Genève.
Quand le premier GLI a été fondé, il y a 15 ans de cela à Genève, nous écrivions dans notre déclaration d’intention que nous organiserions une université d’été pour le mouvement syndical international aussitôt que nos moyens nous le permettraient, et nous voici ici, quinze ans plus tard !
Nous n’aurions pas pu réaliser cela sans le GLI de Grande Bretagne, qui a été fondé il y a seulement deux ans -nous espérons qu’il y aura beaucoup d’autres GLI- et nous n’aurions pas pu réaliser cela sans Unite the Union, que nous remercions chaleureusement !
Pourquoi tenons-nous cette université d’été ? Encore une fois, reportons nous à notre déclaration d’intention : parce que nous voulons contribuer à la discussion sur un nouvel ordre mondial, sur un renouveau du mouvement ouvrier international, sur la démocratie et en particulier la démocratie industrielle, sur l’égalité, la justice et la liberté, en résumé, sur tous les sujets critiques auxquels font face le mouvement ouvrier et la société mondiale d’aujourd’hui.
Pour faire simple : cette université d’été est un espace libre pour la discussion sur comment changer le monde.
Nous sommes des militants du mouvement ouvrier parce que nous croyons que notre mouvement est la première ligne de résistance, aussi bien que la dernière, contre l’obscure froideur du pouvoir des compagnies transnationales qui sont en train d’imposer leur ordre mondial, avec leurs domaines réservés de privilégiés protégés par des États militarisés, dans un océan de misère, d’exploitation et d’humanité réprimée, avec le pillage et la destruction des ressources permettant la vie.
Le mouvement ouvrier doit-il sauver le monde ? Oui, bien sur, il le doit. Qui d’autre que lui peut le faire ? En dehors de nous, qui ? Où, si ce n’est pas ici même ? Quand, si ce n’est pas maintenant ? Aucune autre force dans la société ne dispose du potentiel pour réaliser ce but, qui est le seul qui importe aujourd’hui.
Ayant dit cela, nous devons admettre que notre point de départ n’est pas le meilleur que nous aurions pu souhaiter. Notre mouvement est plongé dans une crise profonde, une crise à deux niveaux: une crise du mouvement syndical et une crise du socialisme, et nous devons être conscients qu’elles sont liées, tant et si bien qu’elles ne peuvent être traitées séparément.
Essayons néanmoins de démêler les relations entre ces deux crises.
Premièrement, le mouvement syndical.
Ce qui est frappant dans la situation présente du mouvement syndical ce sont deux choses : non pas tant l’assaut violent lancé par la puissance patronale et les gouvernements conservateurs contre sa place dans la société, bien que cela constitue une menace réelle, que sa passivité face à un tel assaut.
Il y a deux raisons à cette passivité : le déclin objectif de la puissance syndicale depuis la seconde guerre mondiale dans son berceau historique, en Europe et en Amérique du Nord, et le désarmement idéologique qui l’a accompagné.
Pour comprendre ce qui s’est passé, nous devons faire un retour en arrière de 70 ans et plus. Le fascisme en Europe, quelque soit la forme qu’il a pu prendre, a été un gigantesque exercice de répression antisyndicale. Ses conséquences, et les conséquences de la seconde guerre mondiale, sont trop souvent oubliées. Une génération entière de militants ouvriers a disparu dans les camps de concentration, dans la guerre ou n’est pas revenu d’exil.
A la fin de la guerre, le mouvement ouvrier a ré-émergé, avec force en apparence, parce qu’il faisait partie du camp des Alliés qui avait gagné la guerre, alors que le capital était sur la défensive pour avoir largement collaboré avec le fascisme dans les pays de l’Axe et en Europe occupée.
En réalité, le mouvement ouvrier avait été grandement affaibli, avec la décimation de ses dirigeants et l’ébranlement de sa capacité à agir comme force sociale indépendante. Comme tous les gouvernements démocratiques dans l’Europe d’après-guerre soutenaient initialement l’agenda social des salariés, les syndicats, avec leur condition affaiblie, ont développé par reconnaissance une dépendance excessive à l’égard de l’État. Il n’y a plus eu de volonté de représenter une société alternative. Dans ce contexte de paix retrouvée et de prospérité, le mouvement ouvrier s’est désarmé idéologiquement et politiquement.
En URSS et dans les pays d’Europe orientale et centrale sous sa domination, ce fut une autre histoire.
Toute trace d’un mouvement ouvrier indépendant fut effacée. Presque tous les cadres et militants des mouvements socialistes, syndicalistes ou communistes dissidents qui avaient survécu à la guerre périrent dans les camps de travail et les prisons du système. Une nouvelle classe de bureaucrates prit le contrôle total de la société : dans ce système, les soi-disant syndicats étaient en fait des agences d’État pour l’administration du travail.
Avec la glaciation de l’Europe de l’Est pour 50 ans de paralysie stalinienne, seul restait le mouvement en Europe occidentale. Mais le mouvement ouvrier qui a refait surface dans la période d’après-guerre n’était pas le genre de mouvement ouvrier capable de relever les défis d’une situation mondiale entièrement nouvelle.
Après trois décennies de complaisance, son patrimoine politique et idéologique avait été dilué et banalisé. Ses priorités furent faussées par la Guerre Froide. Les organisations syndicales, encore puissantes, furent conduites, bien trop souvent, par des directions axées sur l’administration des gains des luttes précédentes plutôt que sur l’organisation et l’engagement dans de nouvelles luttes, acceptant généralement sans question l’idéologie du partenariat social et dépourvues de toute imagination politique.
Ce que je décris là s’applique non seulement à l’Europe mais, pour différentes raisons, à l’Amérique du Nord et à d’autres parties du monde, comme le Japon par exemple. Je ne développerai pas plus ici, pour des raisons de temps et vous pouvez compléter les blancs de toute façon.
Pendant que le mouvement ouvrier s’assoupissait, le monde changeait de façon dramatique. Les nouveaux moyens de communications et les nouvelles technologies de transport conduisaient à une mobilité sans précédent du capital pendant que le travail restait prisonnier, mentalement et institutionnellement, de l’Etat-nation. La classe ouvrière était elle même en train de changer. Les bastions traditionnels du mouvement syndical dans les industries de production de masse et dans les services publics chutaient tandis que le secteur des services, largement inorganisé, était en pleine expansion.
L’économie informelle, que l’on croyait être une survivance de formes archaïques de production destinées à disparaître, a au contraire progressé partout, et aussi dans les pays industrialisés. Et si nous parlons des services et de l’économie informelle, nous parlons des femmes travailleuses. Les femmes constituent une part énorme, et largement invisible, de la nouvelle classe ouvrière.
Avec la chute des dictatures dans leurs pays respectifs, un mouvement ouvrier plus militant a surgi au Brésil, en Espagne, en Afrique du Sud, en Corée du Sud, mais son impact international est resté modeste à cause de priorités domestiques et d’une orientation politique incertaine.
Dans les années 1980 et 1990, les travailleurs de Chine, d’Inde, et de l’ancien bloc soviétique sont entrés dans la main d’œuvre globale. On estime à environ deux milliards le nombre de nouveaux travailleurs qui ont rejoint le système global de production et de consommation, triplant presque ainsi la force de travail mondiale désormais connectée globalement.
Ces travailleurs sont, en pratique, inorganisés. En Chine, ce qui se fait passer pour des syndicats sont en fait des agences d’État pour la gestion du travail et ne représentent pas leurs adhérents captifs. En Inde, où plus de 90 pour cent de la force de travail est dans le secteur informel, où l’organisation reste faible, et où les syndicats existants, divisés en huit ou plus centres nationaux, représentent une fraction du reste. Dans les pays de l’ancien bloc soviétique, la faillite du système dans les années 1990 a dévoilé la vacuité des soit-disant syndicats liés à l’État et a laissé derrière elle un mouvement ouvrier faible, divisé et désorienté.
Ici nous avons la vraie raison du glissement global des relations de pouvoir en faveur du capital transnational : le travail organisé ne représente plus une proportion statistiquement significative de la force de travail mondiale. Avec une force de travail mondiale d’environ 3 milliards de travailleurs, et un mouvement ouvrier organisé au mieux de 170 millions de membres, nous obtenons une densité syndicale juste en dessous de 6%.
Au même moment, le gros du mouvement syndical a perdu le Nord. Le mouvement syndical d’avant-guerre , au moins sa majorité, avait une vision commune de la société, d’inspiration largement socialiste, basée implicitement ou explicitement sur une interprétation marxiste de l’histoire, avec une perspective de transformation sociale. Ce ne fut plus du tout le cas après la guerre.
Et ceci nous amène à la crise du socialisme qui est une crise de la signification du socialisme.
Dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, les syndicats restent liés à la social-démocratie, aux partis social-démocrates ou travaillistes, mais beaucoup de ces partis ont commencé très vite à abandonner leur identité en tant que partis de classe, partis des travailleurs.
La reconstruction du capitalisme en Europe à travers le Plan Marshall, suivie de trente années d’Etat-providence, a éloigné le sens de l’urgence de la transformation sociale. Et alors, il y avait aussi la Guerre Froide.
Ce que la Guerre Froide a fait tenait en une chose : elle a compromis le concept du socialisme en le confondant à dessein avec le stalinisme. Les deux côtés ont participé à cette opération : le côté soviétique avec ses “pays socialistes” auto-proclamés, cherchant à légitimer son système comme l’incarnation du socialisme historique, et le côté des conservateurs, en total agrément avec l’idée que les soi-disant “pays socialistes” étaient effectivement socialistes, plutôt que l’opposé de tout ce pour quoi le socialisme existe, cherchant à discréditer le concept du socialisme en l’identifiant avec la réalité soviétique.
L’autre effet de la Guerre Froide à l’Ouest a été de diaboliser non seulement le communisme mais toute la gauche socialiste en les assimilant à des sectaires hors de la réalité ou à des compagnons de route du communisme. L’anti-communisme est devenu un substitut à la mémoire historique et à la pensée critique, au niveau national aussi bien qu’international. Du coté communiste, le même principe s’appliquait : qui n’est pas avec nous est contre nous, sans doute un agent de l’autre impérialisme.
Aux États-Unis, l’épuration de la gauche radicale au sein du CIO puis sa fusion avec l’AFL en 1955 a privé le mouvement syndical d’une boussole politique indépendante et a ouvert la voie à sa collusion avec le gouvernement américain dans ses entreprises impérialistes, c’est une histoire qui a été racontée assez souvent et je ne développe pas plus ici.
Ceux d’entre nous qui étaient socialistes indépendants à cette époque, opposés aux deux camps de la Guerre Froide, n’ont pas eu un moment facile. Mais nous avons combattu et nous avons survécu pour combattre un autre jour, et cet autre jour est aujourd’hui, et c’est une autre histoire.
Rétrospectivement, la principale victime de cette période, avec les conséquences les plus fatidiques, a été la social-démocratie en tant que porteur de l’héritage socialiste.
Le navire-étendard de la social-démocratie européenne, le SPD allemand, a été le premier à se transformer de lui-même en “Volkspartei”, en parti du peuple, lors du célèbre congrès de Bad Godesberg en 1959, par une majorité de 324 voix, comportant de nombreux ex-socialistes de gauche, contre 16 voix d’opposants clairvoyants et courageux.
D’autres partis ont suivi, certains allant plus loin en se distanciant encore plus du socialisme que ne l’avait fait le SPD. Je ne vais pas vous divertir avec un passage en revue de ce triste déclin, la plupart d’entre vous l’ont expérimenté dans leurs propres pays ou en ont entendu parler : qui n’a jamais entendu parler du “New Labour”, de la “Troisième Voie”, promus par des escrocs comme Blair, Schröder ou Clinton ?
Je veux me concentrer sur le résultat de tout cela. Ce qui est arrivé a été l’acceptation du capitalisme, non seulement en pratique mais aussi en théorie, comme l’ultime forme d’organisation économique et sociale. Le but du parti a été réduit à l’objectif opportuniste de gagner les élections à n’importe quelle condition : en capturant les voix de l’opposition conservatrice en adoptant leur politique. Ce n’est pas pour rien que Margaret Thatcher, interrogée sur sa plus grande réalisation durant son mandat, a répondu “Tony Blair”.
Et alors, dans le milieu de ce processus, le ciel nous est tombé sur la tête. En 1989, le bloc soviétique s’est effondré, en 1991, l’URSS s’est désintégrée. Aucun de nous ne s’attendait à ce que cela se produise d’une façon aussi proche et aussi rapide. Si nous l’avions vu venir, nous nous serions préparés d’une meilleure façon, mais nous espérions tout de même qu’une certaine forme de société socialiste démocratique sortirait du naufrage.
Ces attentes n’étaient pas totalement dépourvues de fondement. La plupart des dissidents dans le bloc soviétique étaient de gauche, depuis des socialistes démocratiques jusqu’à des syndicalistes révolutionnaires en Russie. Aucun mouvement populaire n’appelait à la restauration du capitalisme. Même Solidarité en Pologne, plus tard détourné par des conservateurs catholiques, comportait initialement un noyau dirigeant de gauche, comprenant des marxistes indépendants comme Kuron et Modzelewski et des socialistes comme Jan Józef Lipski.
Le résultat de la “transition” était, bien sur, l’exact opposé de la social-démocratie: la soi-disant “thérapie de choc” et l’intégration complète dans l’économie capitaliste mondiale. En Russie et dans quelques autres pays, l’élite dirigeante au pouvoir s’est recyclée elle-même en une nouvelle classe dirigeante capitaliste, aussi brutale et sans foi ni loi qu’ils l’avaient été auparavant, mais bien plus riches grâce au pillage des biens publics. Des millions de gens ont subi une chute dramatique de leur niveau de vie à travers le chômage, l’insécurité et la perte des services sociaux que fournissaient les anciens gouvernements communistes.
Alors, qu’est ce qui n’a pas marché ? Cela a été la disparition de la social-démocratie à l’Ouest. Une social-démocratie forte, confiante en elle-même, fidèle à ses principes, en Europe occidentale, pas nécessairement au gouvernement, aurait eu un impact sur les développements politiques à l’Est. D’un autre coté, une social-démocratie qui avait intériorisé le néo-libéralisme, avait perdu toute crédibilité et ne pouvait qu’apporter la confirmation de ce que la droite proclamait alors : il n’y a pas d’alternative.
Il y a une tragique ironie à cela. Au moment même où son rival et ennemi historique à gauche, le communisme sous sa forme stalinienne, s’effondrait, la social-démocratie, avec sa propre identité historique, quittait la scène.
Cela a eu aussi des conséquences au niveau syndical. De nombreux syndicats européens ou américains, la plupart avec les meilleures intentions, se sont précipités pour assister et conseiller les syndicats qui avaient survécu ou émergé dans le bloc soviétique. Sans fondements idéologiques communs identifiables, sans vision commune, et généralement ignorants de ce qu’avait été le mouvement ouvrier d’Europe orientale, aussi vieux que le leur, tout ce qu’ils pouvaient faire était d’apporter des conseils techniques et de recommander leurs propres pratiques nationales (largement différentes ) comme exemple à suivre, ajoutant ainsi à la confusion.
La même social-démocratie qui se dissout, ne cessant de perdre de sa substance, pour les mêmes raisons, est maintenant incapable de faire face à la crise financière fabriquée par le capitalisme mondial, et à l’assaut mené aussi bien contre ses propres réalisations historiques – la sécurité sociale, l’État social – que contre ce qui avait été et qui aurait du rester la véritable base de son pouvoir : le mouvement syndical.
Les partis sociaux-démocrates sont en train de perdre les élections partout en Europe pour avoir endossé les plans d’ “austérité”, pour dans le meilleur des cas être remplacés par des partis socialistes de gauche antérieurement peu connus, comme en Grèce, ou, comme en France, gagner exceptionnellement une élection sur la base d’une attente des électeurs qu’ils résisteront à de telles politiques “d’austérité”. Dans de nombreux pays, le fossé va s’élargissant entre le mouvement syndical et les partis social-démocrates qui étaient leurs alliés historiques. Pourtant le mouvement syndical a besoin de retrouver la dimension politique qu’il a perdu.
Comment sortir de cette ornière ? Cela, camarades, est l’objet de cette université d’été.
Nous sommes face à une tache immense, et nous devons rester modestes. Nous n’allons pas venir à bout des grandes questions avec de grosses solutions, pas encore, parce que les problèmes sont nombreux et compliqués. Mais nous pouvons amorcer une discussion qui, pour autant que j’en sache, n’a lieu nulle part ailleurs.
Les questions sont tout à la fois idéologiques, politiques et organisationnelles. Penchons nous sur quelques unes d’entre eux :
– Le socialisme. Alors même que le capitalisme est le cadre dans lequel nous agissons, celui-ci n’est pas la fin de l’histoire. Ce système ne peut pas durer et il ne durera pas. Le socialisme reste notre but. Instruits par l’expérience, nous savons que le socialisme n’a de sens qu’en étant une démocratie radicale : le pouvoir réellement exercé, démocratiquement exercé par le peuple réel, à tous les niveaux, et pas par des substituts, ni partis d’avant-garde, ni dictatures “progressistes”. Tout en reconstruisant ce qui pourrait être des partis indépendants des travailleurs, nous devons avoir un regard nouveau sur notre propre héritage oublié, y compris celui de nos propres dissidences, le “guild socialism” anglais, le syndicalisme révolutionnaire.
– Nous avons besoin de reconstruire l’identité de notre classe, la classe ouvrière. Nous ne sommes pas une “classe moyenne”, comme malheureusement et de façon opportuniste, certains d’entre nous le prétendent. Ni ne sommes, comme syndicalistes, un “groupe d’intérêt ” particulier parmi d’autres, comme nos adversaires voudraient que nous soyons. Le mouvement Occupy a visé juste : nous sommes les 99% mais les syndicats doivent adopter une vision allant au delà des intérêts étroitement définis de leurs membres et s’orienter vers des réponses globales de classe avec de nouvelles formes organisationnelles, avec des organisations renouvelées, reflétant les intérêts généraux et à long terme de leurs membres et de la société.
– Le mouvement syndical international que nous avons n’est pas celui dont nous avons besoin et que nous méritons. La CES est comme un cerf pris dans les phares, la CSI est une bureaucratie encore en train de se chercher une raison d’être, la FSM est une impasse stalinienne. Nous n’avons pas besoin de nous attarder sur cette offre grandiose, il n’y a rien à gagner en tirant sur le pianiste. Nous devons rester critique à l’égard du battage médiatique fait autour des “fusions” syndicales internationales qui ne sont tout au plus des accords de coopération, nous devons rester conscients que les “global unions” n’existent pas encore pour de vrai, et que nous devons continuer à œuvrer pour la création de vrais syndicats globaux.
Marx a fait la remarque que toutes les luttes ouvrières sont de portée internationale par leur contenu mais nationales par leur forme. L’internationalisme le plus véritable est souvent de combattre là où nous sommes et de soutenir ainsi les avancées réalisées par les travailleurs des autres pays (au lieu de les affaiblir en faisant nous des concessions).
– Nous voulons construire des réseaux internationaux là où nous pouvons, avec nos camarades de New Unionism, de Socialist Register et d’autres, ensemble avec les fédérations syndicales internationales quand c’est possible, en dehors d’elles quand c’est nécessaire, même si avec leur aide, certains d’entre nous ont pu faire beaucoup, comme pour les travailleuses domestiques.
– Nous devons rester conscients que les femmes constituent une part énorme de la classe ouvrière qui reste inorganisée, constituant d’énormes réserves d’énergie et de courage, dont la plus grande part reste inexploitée et en sommeil. Ne voyez vous pas que la question du genre est même une question encore plus fondamentale que celle de la classe ?
Cela remonte aux origines de l’humanité, longtemps avant la constitution de la société de classes. Après tout ce temps et en dépit de progrès indéniables, la plus grande part du mouvement ouvrier n’a pas encore saisi cela. Dans notre déclaration d’intention, il y a quinze ans, nous écrivions : “La justice pour les femmes, l’égalité dans le travail comme dans la société, requièrent non seulement des alliances entre les syndicats et les mouvements des femmes, mais aussi la féminisation du mouvement syndical : par un afflux massif de femmes travailleuses dans les syndicats, à tous les niveaux de direction. C’est seulement en changeant cet aspect de notre héritage culturel que le mouvement syndical deviendra pleinement représentatif et gagnera le pouvoir de réaliser son mandat.” Cela demeure notre engagement. Nos alliés sont parmi les Femmes pour l’Organisation et la Globalisation dans l’Emploi Informel (WIEGO – Women in Informal Employment Globalizing and Organizing), l’Association des Femmes auto-employées d’Inde, la plus grande organisation de femmes travailleuses dans le monde, et parmi ces milliers de femmes jouant un rôle d’organisateur dans les syndicats partout.
Et après tout cela, allons-y, mettons nous au travail dans le combat, avec courage et passion. A la fin de cette université d’été, je veux que vous vous posiez la question suivante : “qu’est-ce que nous allons faire que nous n’aurions pas fait si nous n’avions pas été ensemble cette semaine ?”
Restons ensemble en contact. Nous pourrons former l’amorce d’une communauté de solidarité, de pensée, de lutte. Et comme nos camarades autrichiens avaient l’habitude de dire : amitié ! Freundschaft!
et merci pour votre attention.
Traduction: Olivier Delbeke