Avec le peuple grec : unité pour dire NON à l’austérité, à la dette “publique” et aux “institutions”, dans toute l’Europe!
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L’article ci-dessous était rédigé le dimanche 28 juin après-midi. En début de soirée, Alexis Tsipras annonçait le contrôle des mouvements de capitaux et la fermeture temporaire des banques. Ces mesures sont techniquement inévitables dans la situation où Eurogroupe et BCE ont placé le pays. Mais chacun perçoit – et la tonalité du discours du premier ministre grec le fait ressentir aussi – qu’elles prennent une signification d’affrontement. Schäuble et les faisant fonction du capital veulent saigner le pays AVANT le référendum. La question posée à brève échéance est la dénonciation de la dette et la nationalisation des banques. C’est pour cela qu’il faut voter NON et se mobiliser dans toute l’Europe autour de ce vote!
La décision du premier ministre grec et dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, de soumettre à un référendum les dernières injonctions du club des créanciers, appelé «les institutions» (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds Monétaire International), a été accueillie par un rugissement de haine antidémocratique par Mesdames et Messieurs les «autorités européennes».
Feignant de prendre cette annonce pour un «coup de théâtre», leur réaction a consisté, sans délai, à proclamer qu’il n’y avait aucun accord, ce qui est une claire menace que la BCE bloque tout prêt financier à la Grèce à l’échéance du mardi 30 juin, de façon à la contraindre au «défaut» envers le FMI, et à asphyxier tout fonctionnement de l’État en stoppant dans les prochains jours le roulement des titres de dette publique permettant de payer au jour le jour salaires des fonctionnaires et pensions, et en poussant les banques grecques à geler toute sortie de fonds de façon à provoquer par anticipation une panique dés maintenant. Ceci à la réunion des ministres des Finances de la zone euro, d’où le représentant du 19° pays membre, le ministre grec Varoufakis, fut purement et simplement expulsé!
D’un point de vue comptable, c’est-à-dire du propre point de vue de la rationalité capitaliste bien comprise, le comportement des gouvernements de la zone euro, dont le représentant de MM. Hollande et Valls au concile des ministres d’où Varoufakis a été chassé, M. Macron, relève objectivement de l’irresponsabilité incendiaire.
D’un point de vue comptable et capitaliste rationnel, tout le monde sait en effet très bien depuis longtemps – c’est DSK qui vient de sortir de sa «réserve» pour le rappeler !! – que la dette dite «publique» de la Grèce ne sera jamais remboursée et ne peut pas l’être. Elle l’a d’ailleurs déjà été : c’est le flux financier de l’État grec vers les banques allemandes et françaises depuis 2008 qui l’a creusée, et elle ne s’est jamais autant creusée que depuis que «l’Europe aide la Grèce» comme on dit, alors que salaires et pensions ont baissé de 40% à 60% et que la famine est apparue en Grèce.
Vérité comptable, messieurs les commentateurs à la petite semaine : c’est la Grèce qui envoie des capitaux en Allemagne, ainsi qu’en France, ceci jusque là sous la garantie de «l’Europe»!
Nous assistons à un pillage en règle, car ces messieurs les capitalistes financiers, qui achètent et revendent les titres de dette «publique» sur les marchés boursiers, craignant de voir s’effondrer ce système, ont réagi depuis 2009 en haussant leurs taux et en aggravant ainsi la cause de leurs craintes. Le naufrage auquel on assiste n’est pas celui de la Grèce, mais du système mondial et européen de parasitisme financier, forme actuelle du capitalisme.
Les institutions «publiques» européennes ont pris en charge la «dette grecque», émancipant les banques privées allemandes et françaises, comme le Crédit agricole et la Société Générale, de tout risque après que celles-ci se soient engraissées sur le dos des Grecs. Le capital financier privé ne court donc pas de risque direct à un «défaut» grec. L’enjeu immédiat des pseudos négociations qui semblent en train d’échouer porte sur des montants marginaux par rapport au total de la soi-disant «dette».
Le risque pris est par contre énorme, et les 18 gouvernements conduits par l’Allemagne flanquée de la France, en expulsant samedi Varoufakis et en proclamant que les discussions auraient été rompues par la Grèce en raison de l’annonce d’une consultation populaire, ont délibérément placé la Banque Centrale Européenne (BCE), qui n’est pas un organe «supranational» mais qui est un organe commun à ces mêmes puissances et pays capitalistes de rang inégal, devant le choix de couper tout de suite ou non les crédits qui permettent le roulement de la dette par lequel l’État grec finance son fonctionnement quotidien.
Il faut savoir en effet qu’en Grèce aussi bien qu’en Allemagne ou en France les dépenses de fonctionnement de l’État sont financées par le «roulement de la dette», c’est-à-dire la revente des titres de dette publique en bourse et sur les marchés financiers, et leur rachat par les États. Les titres de dette publique grecs ne se vendant plus guère, la BCE tient à bout de bras ce mécanisme, par le moyen de la procédure d’ELA (Emergency Liquidity Assistance: fourniture de liquidités d’urgence), qu’elle menace depuis des mois de stopper à tout instant, rendant ainsi impossible le paiement des dépenses courantes de l’État, à commencer par la paye des fonctionnaires.
Ce dimanche 28 juin, la BCE a fait savoir qu’elle ne faisait pas tomber le couperet ce jour même, signe des tensions entre puissances européennes et au sein même de l’impérialisme allemand entre la ligne dure «Schäuble» et A. Merkel. Mais elle n’a pas pour autant abondé les crédits ELA, et il lui est possible d’augmenter la décote exigée des banques grecques, de considérer en cas de «défaut» de paiement au FMI le 30 juin que celles-ci ne sont plus solvables et donc de les couler, ou de stopper n’importe quand la procédure d’ELA.
Début 2013 le tabou d’une ponction sur les comptes en banque des citoyens a été levé, à l’encontre du peuple chypriote ; les menaces de soulèvement populaire ont toutefois poussé les dites «institutions européennes» à ne l’exercer qu’envers les comptes de plus de 100.000 euros, tout en leur laissant la possibilité et le temps de s’expatrier via la City de Londres.
Cette fois-ci, c’est beaucoup plus grave et violent encore : ce sont tous les ministres des Finances de la zone euro, engageant leurs gouvernements, donc pour ce qui nous concerne en France MM. Hollande et Valls, qui menacent de provoquer l’arrêt du paiement des fonctionnaires, du versement des pensions, et le blocage des comptes en banque des citoyens grecs !
Pourquoi menacent-ils ainsi ? Le gouvernement grec avait proposé de payer la «dette» sous forme de paiements perpétuels étalés sur des décennies (un peu comme le prévoyait le défunt plan Young envers l’Allemagne en 1931 …). Il avait concédé qu’il voulait bien baisser les retraites, hausser la TVA et privatiser mais un peu moins que ce qu’exige la prétendue «Europe» et en demandant en contrepartie que soit enfin abordée la discussion sur un plan de réduction de la dette dite «publique» du pays, sujet sur lequel le FMI, tout en étant plus «dur» en matière de suppressions de services publics, était plus accommodant que les institutions «européennes» alignées sur le ministre allemand des Finances Schäuble. Après avoir (cf. la tribune de Tsipras publiée par Le Monde le 31 mai) annoncé qu’il ne voulait plus baisser les retraites, il faisait marche arrière même là-dessus, concédant donc un recul politique, social et symbolique ultime, et provoquant des manifestations de retraités.
Hé bien, avec tout cela, ce gouvernement grec conciliant, serviable, pour ne pas dire pire, s’est encore heurté à un refus de signer un accord, chose totalement absurde du point de vue comptable et monétaire !
Bien sûr, les médias accusent déjà les «Grecs», pourtant si pauvres et démunis, d’être les responsables directs d’une éventuelle Apocalypse. Répétons-le: les «institutions» se comportent, du point de vue comptable et rationnel, comme des fous furieux hystériques et pyromanes, et pas le gouvernement grec, qui a tenté, lui, bien en peine, d’exprimer la rationalité bourgeoise ordinaire et normale!
Ce sont les mêmes qui ont piétiné les votes français et néerlandais de 2005. La simple idée qu’on puisse procéder à un vote qui semblerait remettre en cause leurs décisions leur est sans doute subjectivement insupportable, mais ce sont bien les intérêts du capital financier qui les guident, en l’occurrence les intérêts politiques : il faut tuer l’espoir en Grèce pour le tuer partout ailleurs, et il ne s’agit pas ici de «remboursement», mais de politique, de lutte des classes.
Voila pourquoi nous voyons les argentiers et autres faisant fonction du capital ne pas respecter la raison comptable immédiate, car l’enjeu est supérieur : il est d’assurer et d’aggraver la hausse du taux d’exploitation des travailleurs, partout en Europe. La bataille grecque c’est donc notre bataille.
Ainsi le gouvernement grec a fini par dire qu’il soumettrait les «propositions» des «institutions» au vote populaire, Alexis Tsipras par son discours à la nation prononcé dans la nuit du 26 au 27 juin se prononçant clairement pour un vote NON.
Même si les déclarations de Yannis Varoufakis laissant la porte ouverte à un retournement gouvernemental en faveur d’un vote Oui si Mme Merkel faisait de nouvelles propositions, montrent que la recherche systématique d’un compromis continue, celle-ci se heurte désormais à la logique adoptée de part et d’autre.
Et c’est tant mieux ! Ainsi l’ont ressenti des millions de Grecs et les militants de Syriza qui se sont dit: nous allons pouvoir dire NON. Certes, beaucoup auraient préféré, à juste titre, ne pas en arriver là, et il est un peu curieux d’avoir à voter pour savoir s’il faut faire ou non le contraire de la politique victorieuse aux élections il y a 5 mois. Mais puisqu’on en est là, à cause des reculs successifs, alors maintenant il est possible et nécessaire de dire NON pour poursuivre le combat !
Au parlement grec, le vote pour un référendum a été emporté par les voix de Syriza et de deux petits partis réactionnaires: leur allié gouvernemental, ANEL, dont la place au ministère de la Défense est la garantie que le capital grec, l’Église et l’armée ne seront pas attaqués, et les néonazis d’Aube dorée (dont les voix n’étaient pas nécessaires pour que le Oui à l’organisation du référendum l’emporte) engagés dans la démagogie sociale en espérant revenir en force une fois que Syriza aurait déçu. Le PASOK et le KKE ont joints leurs voix aux principaux partis bourgeois, Nouvelle Démocratie et To Potamo, pour s’opposer à la tenue du référendum.
La position du KKE mérite au passage un commentaire. Le parti stalinien grec s’est, on le sait, systématiquement opposé à la dynamique qui a finalement porté Syriza au pouvoir, pariant sur son alliance avec la bourgeoisie, son acceptation de l’euro et son échec et faisant tout pour y pousser. Ses critiques et dénonciations trouvaient naturellement un écho montant ces derniers mois, et pour cause.
Mais lorsque une rupture avec le capital européen s’esquisse, que l’inévitabilité d’un vote populaire majoritaire disant NON à un accord avec les «institutions» et signifiant le refus de payer la soi-disant «dette» est là, le KKE n’est plus là, il est contre! Contre le vote populaire, puis annonçant qu’il distribuera des bulletins nuls anti-troïka, anti-gouvernement et anti-UE. Ainsi le KKE mène-t-il en réalité campagne pour que le NON ne l’emporte pas, donc pour que la volonté de la BCE s’impose! Intéressante position réelle et concrète du plus poutinien des partis de Grèce, qui n’en manque pourtant pas !
Maintenant, la bataille doit se mener, non seulement en Grèce, mais en Europe. Riches sont les leçons politiques de ces derniers mois : ne pas en parler au motif qu’il ne faut pas «critiquer de l’extérieur», c’est le contraire de la vraie solidarité, ce n’est pas internationaliste, c’est faire le jeu des créanciers. Plus que jamais, la Grèce a besoin d’un gouvernement qui rompe avec le capital, seul moyen de défendre jusqu’au bout la souveraineté de la nation: cette question doit être posée et débattue, parce que c’est notre victoire ou notre défaite commune qui en dépend.
Ce sont les ministres des Finances de l’Eurogroupe, la Commission dite européenne de Bruxelles, ce sont les «institutions», bref c’est l’UE, la prétendue union dite européenne, qui en crachant sa haine de la démocratie devant l’annonce du référendum grec, est en train de rompre avec l’Europe.
L’Europe n’est pas l’euro, l’Europe n’est pas le capital, l’Europe c’est la lutte commune contre l’oppression, l’Europe c’est l’antithèse des empires, l’antithèse de l’UE.
Oui, soutenons les Grecs, manifestons pour les soutenir, et portons maintenant nos coups contre l’ennemi qui est dans notre pays: le patronat, la présidence et le gouvernement français !
Au fait, lundi 22 juin, les représentants du Front de Gauche avaient-ils lieu de se réjouir d’avoir, à leur demande, entendu F. Hollande leur dire qu’il allait défendre la Grèce, et d’appeler à ce que «la France fasse entendre sa voix» ? …
Publié le 28 juin 2015 par Arguments pour la lutte sociale