Le contexte politique
2010 a été une année déprimante. Dans le monde entier, les attaques contre les droits syndicaux se sont poursuivies sans relâche et les rapports de force ont continué à se dégrader au détriment du mouvement ouvrier. Comme l’a dit Warren Buffet, l’homme le plus riche du monde : « Il y a une lutte des classes, c’est sûr, mais c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ».
Mais ce n’est pas le pire. Dans une lutte, la défaite peut être amère, mais rien n’est permanent, les batailles perdues peuvent être une source d’inspiration pour les générations futures et il reste toujours un lendemain pour livrer un nouveau combat. Ce qui se passe aujourd’hui est tout autre : dans plusieurs pays clés, et au plan international, le mouvement syndical subit ses défaites sans même livrer une bataille digne de ce nom.
Lorsqu’une résistance syndicale se manifeste, elle est surtout verbale et virtuelle. Aux Etats-Unis, le mouvement ouvrier continue à soutenir un président qui a trahi les engagements de base pris lors de sa campagne électorale en 2008. En Europe, où le mouvement syndical est en butte à des attaques sur tous les fronts, la CES est parvenue à organiser quatre « journées d’action » qui se sont déroulées sans avoir eu d’impact visible. Il est évident qu’une réponse bien plus énergique et coordonnée est nécessaire. Mais ce à quoi nous assistons est une retraite dans des châteaux de sable nationaux. Le mouvement syndical japonais, autrefois puissant, est muet. En fait, il faut bien constater que les syndicats des pays industrialisés, à de rares exceptions près, ont entamé une retraite qui se transforme en une déroute silencieuse.
Lors de son deuxième Congrès, la CSI a élu une nouvelle secrétaire générale (Sharan Burrow) et un nouveau président (Michael Sommer, du DGB). Sans surprise, rien d’autre n’a vraiment changé. La CSI reste le bouffon de la Cour des organisations internationales et agit, dans le meilleur des cas, comme une ONG de défense des droits humains axée sur les questions du travail. Contrairement à tous ses prédécesseurs, même les deux derniers et les plus faibles, elle n’a ni principes, ni programme, ni vision et en conséquence, patine sur place. Le rôle de la plus grande organisation syndicale internationale que le monde a jamais connu reste marginal.
Un changement de direction à l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) et de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) pourrait déboucher sur des évolutions positives. D’un autre côté, le projet de méga-fusion entre la FIOM, l’ICEF et la FITTHC n’est remarquable que dans la mesure où il porte uniquement sur des questions de procédure et non sur des objectifs. La raison pour laquelle ces organisations devraient fusionner n’est pas claire. Pour être plus puissantes ? Peut-être. Plus puissantes pour quoi faire? Cette question reste sans réponse.
L’effondrement idéologique de la social-démocratie, qui a internalisé les politiques néolibérales hostiles aux travailleurs, aux syndicats, à son propre héritage historique et à sa raison même d’exister, a certainement été un facteur contribuant à la démoralisation du mouvement syndical, en particulier dans les pays où il existe un lien historique étroit entre les syndicats et les partis sociaux-démocrates (Europe centrale et du Nord, Royaume-Uni), ou dans les pays de l’ancien bloc soviétique où les décennies de stalinisme ont corrompu la signification du socialisme.
En résumé, le tableau présenté par le mouvement syndical international, tel qu’incarné par ses institutions, est sombre. Malgré certaines poches de militantisme qui courent le risque de devenir autant de villages d’Astérix, la situation d’ensemble est caractérisée par la stagnation et la paralysie bureaucratique.
Aux niveaux national et régional, l’état des lieux est plus complexe, et en partie, plus positif. En Amérique latine (Argentine, Brésil, Uruguay), le mouvement syndical s’est renforcé grâce au soutien de gouvernements progressistes, formés de coalition de gauche. En Corée du Sud, un mouvement syndical militant continue à se battre. En Afrique du Sud, un mouvement syndical puissant défie le gouvernement de l’ANC (soi-disant un allié). Les effectifs syndicaux de certains pays européens sont en train de croître, notamment dans les pays les plus sévèrement touchés par la crise (Islande, Irlande, Grèce, Portugal), de même que ceux de certains pays d’Afrique, parfois de manière spectaculaire (Ghana, Nigeria). Le mouvement syndical résiste donc, bien plus qu’on aurait pu le penser en ne tenant compte que de ses formes institutionnalisées.
Cette constatation n’est toutefois pas l’évolution la plus marquante, même si elle a son importance. D’autres événements, inattendus, ont été bien plus importants : la révolution tunisienne, qui a éclaté en décembre et provoqué une série de soulèvements dans le monde arabe et au-delà ; les grèves sans précédents en Chine, qui ont commencé en juin dans les usines Honda et Toyota, où les travailleurs ont pour la première fois demandé à former des syndicats indépendants ; les grèves en Grèce tout au long de l’année en protestation contre le programmé d’austérité appliqué par le gouvernement (hélas) socialiste, le seul cas jusqu’à présent où un mouvement populaire de protestation a été approuvé et par la suite dirigé par les centrales syndicales nationales.
Dans la majorité de ces conflits sociaux, comme dans ceux qui ont suivi en 2011 (le mouvement des services publics américains qui a débuté dans le Wisconsin, les manifestations des jeunes « indignés » en Espagne et ailleurs), la direction des centrales nationales n’a joué aucun rôle ; dans le meilleur des cas, elle a tenté de prendre le train en marche (Wisconsin, Tunisie). Les partis de la gauche traditionnelle sous ses différentes formes (large ou sectaire) n’ont pas non plus joué de rôle significatif. Comme l’écrivait Rosa Luxemburg : « Les masses sont en réalité leurs propres dirigeants ».
L’utilisation des nouveaux moyens de communication (internet, facebook, twitter, etc.), qui échappent largement au contrôle des gouvernements et autres structures de pouvoir bureaucratiques, ont également été un facteur déterminant. Le gouvernement chinois tente par tous les moyens de contrôler l’internet, sans y parvenir. Les observateurs ont déjà souligné le rôle qu’a joué la diffusion par Wikileaks des câbles diplomatiques américains, sévèrement préjudiciables pour Ben Ali et son clan, dans les prémices de la révolution tunisienne. Facebook a également servi d’outil d’organisation des mouvements populaires, en Tunisie, en Égypte et ailleurs.
Le GLI en 2010
Pour le GLI, 2010 a été une année d’activité intense, liée en grande partie à la syndicalisation de l’économie informelle, et tout particulièrement des travailleurs/euses à domicile et des travailleurs/euses domestiques. Cet aspect de son travail, en partenariat avec WIEGO et d’autres organisations, reste une priorité du GLI. La syndicalisation des travailleuses du secteur informel est l’une des plus importantes contributions que nous puissions faire à la construction de mouvements sociaux progressistes.
Une équipe GLI/WIEGO/UITA (composée de Karin Pape, élue coordinatrice internationale du Réseau des travailleurs/euses domestiques IDWN par son comité de pilotage provisoire en 2009, Barbro Budin (UITA), Chris Bonner (WIEGO), Dan Gallin (GLI et WIEGO) et Kathleen MacKenzie (IDWN), en charge du site web) ont ciblé les activités du réseau en vue des premières discussions sur la convention et recommandation pour les travailleurs/euses domestiques lors de la Conférence internationale du travail en juin 2010. Un groupe représentatif de travailleurs/euses domestiques, comprenant l’essentiel du comité de pilotage de l’IDWN, a participé à la conférence pour se familiariser avec les débats et les procédures. Cette expérience a révélé toute son importance lors des activités de lobbying subséquentes et de la discussion finale l’année suivante. Dans le même temps, le Réseau a renforcé sa cohésion interne et développé un plan d’action.
Le GLI a également continué à participer aux efforts d’établissement d’un réseau international de travailleurs/euses à domicile. Lors d’une visite à Montevideo en avril, Dan Gallin a tenu une discussion initiale sur cette question avec le secrétaire régional de l’UITA pour l’Amérique latine. En mai, Gallin a participé à la première réunion régionale sur le travail à domicile en Europe du Sud-Est, tenue à Veliko Tarnovo (Bulgarie), organisée conjointement par l’Association bulgare des travailleurs/euses à domicile, la Confédération des syndicats indépendants et la Fondation Friedrich Ebert (FES). En août, il a pris part à la première réunion conjointe des HomeNets asiatiques (HN Asie du Sud et HN Asie du Sud-Est), également financée par la FES. Enfin, en novembre, Gallin a participé au forum international de la campagne Vêtements Propres organisé en Turquie. Chacune de ces réunions a permis de renforcer les contacts existants, d’en créer de nouveaux et de développer le sentiment d’un objectif commun dans l’établissement d’un mouvement international.
Avec le soutien de la République et Canton de Genève, le GLI a mis sur pied un programme de soutien à la syndicalisation des travailleurs et surtout des travailleuses du secteur informel, en Moldavie. Ce programme a permis à la représentante de l’UITA à Chişinău, Svetlana Boincean, en coopération avec le syndicat SindLUCAS, de commencer à organiser les travailleurs/euses domestiques et de créer un site web informant ces travailleurs/euses de leurs droits, en roumain et en russe. Il est à espérer que ce programme pourra être poursuivi en 2011, en mettant l’accent sur les jeunes travailleurs/euses.
Une réunion du conseil de fondation du GLI, élargi pour inclure des syndicalistes britanniques et des associés du GLI basés en Grande-Bretagne, a eu lieu à Londres en novembre. Un GLI UK a été formé à la fin de l’année (http://www.global-labour.net). Il est basé à Manchester et travaillera étroitement avec les deux autres GLI : Genève et Cornell (New York).
Le site web du GLI a été considérablement développé, avec l’ajout de matériel historique et de la documentation récente sur les révolutions arabes, la Thaïlande, etc.
Réunions
DG = Dan Gallin, KP = Karin Pape
26-27 mars (DG) : retraite à Rotschuo
12-19 avril (DG) : réunions avec le secrétariat régional de l’UITA pour l’Amérique latine et l’ancien secrétaire régional Enildo Iglesias ; réunion avec le syndicat des travailleurs/euses domestiques (SUTD), Montevideo
2-18 juin (DG, KP) : Conférence internationale du travail, Genève
7 juin (DG) :14e réunion du conseil de fondation du GLI, Genève
15 juin (DG, KP) : réunion du comité de pilotage, IDWN, Genève
9 septembre (DG) : obsèques de Wilebaldo Solano, le dernier secrétaire général du POUM, Barcelone
22-26 octobre (DG) : forum international de la campagne Vêtements propres, Gönen, Turquie
16-17 novembre (DG, KP) : réunion des 3 GLI, Londres
WIEGO
11-13 janvier (DG, KP) : réunion du comité exécutif du WIEGO, Manchester
19-23 avril (DG) : assemblée générale du WIEGO, Belo Horizonte, Brésil
16-22 mai (DG) : séminaire pour les Balkans des organisations des travailleurs/euses, Veliko Tarnovo, Bulgarie
2-3 août (DG) : conférence-atelier conjoint de HomeNet Asie du Sud et HomeNet Asie du Sud-est sur le thème : « Building Visibility and Voice through Responsive Homebased Workers’ Organizations in Asia : Focus on ILO Convention 177 on Home Work », Manille
1er septembre (DG, KP) : réunion avec Svetlana Boincean à Genève (planification du projet pour la Moldavie)
10-12 octobre (KP) : retraite du personnel du WIEGO, Madrid
13-16 octobre (DG, KP) : réunion du comité exécutif du WIEGO, Madrid
16-17 octobre (DG, KP) : comité consultatif, programme d’organisation et de représentation, Madrid
18-20 octobre (KP) : atelier, Women Working Worlwide, Manchester
21-22 octobre (KP) : réunions à Londres (TUC, Kalayaan, Christian Aid)
4-5 novembre (KP) : cérémonie de remise du prix des droits de l’homme de la Fondation Friedrich Ebert (FES) à Marcelina Bautista, secrétaire générale de CONLACTRAHO, Berlin
1-3 décembre (KP) : atelier FNV sur les stratégies de syndicalisation, Amersfoort, Pays-Bas
14 décembre (KP) : réunion de planification Réseau de réflection/UNIA pour la conférence sur les travailleurs/euses domestiques, Berne
14-17 décembre (KP) : groupe de travail du réseau de recherches sur les travailleurs/euses domestiques, Amsterdam
Cercle d’Olten
30 janvier (DG) : réunion du comité, Berne
Collège du Travail
3 juin et 15 septembre (DG) : réunion du conseil de fondation, Genève
Pages de Gauche
18 juin et 17 septembre (DG) : réunion du comité, Lausanne
Solifonds
8 novembre (DG) : réunion du conseil de fondation, Zürich
Parti socialiste suisse
2 mars et 31 mai (DG) : commission de politique extérieure, Berne
Secrétariat
Karin Pape a continué à travailler à temps partiel comme assistante administrative et poursuit ses recherches et travaux sur l’économie informelle (voir plus haut). Oscar et Nora Payuyo continuent d’assurer les nettoyages et l’entretien.
Finances
Mme Mariane Grobet-Wellner a tenu les comptes du GLI pendant l’exercice écoulé.
Le rapport financier 2010 figure en annexe.
Téléchargez bilan et profits-pertes (venant)