Le mouvement ouvrier en Afrique tropicale (André Giacometti, 1956-1957)

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Introduction
Dans les années 1953 – 1958, Dan Gallin écrivait dans l’hebdomadaire Labor Action et dans la revue trimestrielle The New International sous le nom de André Giacometti. Ces publications étaient les organes de presse de la Independent Socialist League (ISL) des Etats-Unis. (1)

L’article sur l’histoire du mouvement ouvrier en Afrique au Sud du Sahara, a paru dans The New International sur trois numéros de la revue, de 1956 à 1957. Aucune histoire générale du mouvement ouvrier africain existait à l’époque. La traduction française en a été faite en 1986, à l’occasion de la Troisième Conférence Régionale Africaine de l’UITA (Lusaka, Zambie, Septembre 1986). Ce texte faisait partie de la documentation de la Conférence et se retrouve dans son compte-rendu. L’introduction ci-dessous (pour l’édition de l’UITA) a été écrite par Dan Gallin.

Pourquoi “André Giacometti”? A cause de la grande admiration que Gallin éprouvait, et éprouve encore, pour le grand sculpteur et peintre suisse, Alberto Giacometti.

Introduction à l’édition de l’UITA
L’étude ci-après du mouvement ouvrier africain à ses débuts et du contexte économique dans lequel il est apparu a été publiée il y a trente ans en trois parties dans la revue socialiste américaine “The New International”

L’Afrique était alors un continent bien différent. Le colonialisme dans sa forme la plus traditionnelle héritée du 19ème siècle faisait encore la loi sur la plupart du continent. Ni l’interventionnisme américain, ni le soviétique n’étaient aussi importants qu’ils ne le sont maintenant bien qu’indubitablement les signes avant-coureurs étaient manifestes. La crise en Afrique du Sud était latente, l’apartheid n’en était qu’à son commencement, dans toute sa force et son arrogance. On plaçait de grands espoirs dans l’indépendance des nations considérée comme le moyen d’arriver à des sociétés libres, justes et prospères.

La transformation de libérateurs en oppresseurs, comme dans le cas de Sékou Touré en Guinée, le retour de la domination étrangère sous forme du néo-colonialisme, les guerres civiles d’indépendance comme celle imposée au peuple d’Erythrée depuis vingt-cinq ans, les famines provoquées par les hommes, la désunion politique causée par les manipulations des superpuissances – tout cela il y a trente ans faisait déjà partie de ces expériences .amères occultées par l’avenir.

Le mouvement ouvrier avait, dans l’ensemble de l’Afrique, commencé à apparaître comme une force d’unification et de libération. C.’était alors, comme ça l’est encore maintenant, et malgré ses divisions, la seule entité universelle sur le continent, la seule capable de transcender les frontières nationales et, à cette époque, les sphères d’influence coloniales.

Cette étude se proposait d’informer les lecteurs américains sur cette entité naissante et d’étudier les racines d’un mouvement ouvrier qui était à cette époque pratiquement inconnu. L’article a été écrit d’un point de vue socialiste, c’est à dire en partant du point de vue que la classe ouvrière africaine est la seule force de libération authentique sur le continent, la seule capable d’amener une société libre, juste et acceptable, la seule aussi qui puisse résister à la nouvelle division de l’Afrique entre sphères d’influence soviétiques et américaines qui a vu le jour dans les années suivant la seconde guerre mondiale. Que les syndicats africains n’aient pas toujours, comme l’histoire l’a montré par la suite été suffisamment forts pour mener à bien leur programme d’indépendance et qu’ils aient eux-mêmes fréquemment succombé aux pressions des impérialismes rivaux n’enlève rien à la valeur de l’analyse et aux politiques qui en découlent. Aucun mouvement ouvrier au monde n’a été en mesure de réaliser ce qu’on en attendait aussi rapidement que l’aurait exigé la crise de la société ou les espérances de ses pionniers.

Nous rééditons cette étude afin d’aider à restaurer la mémoire historique du mouvement ouvrier africain et pour qu’elle serve de document d’appui dans le débat sur ses perspectives et stratégies à long terme.


(1) La ISL était une organisation issue du trotskisme américain en 1940 par une scission qui portait principalement sur la nature de classe de l’URSS. Les trotskistes orthodoxes et Trotsky lui-même considéraient l’URSS comme un “état ouvrier dégénéré” qui devait néanmoins être défendu internationalement. La ISL (Max Shachtman, Joe Carter, Hal Draper) considérait par contre que l’URSS représentait une nouvelle société de classe, imprévue dans l’histoire, et violemment anti-ouvrière, le “collectivisme bureaucratique”. Le mouvement ouvrier devait par conséquent se battre sur deux fronts, en constituant un Troisième Camp, qui devait être celui de la classe ouvrière mondiale, contre les deux blocs de la guerre froide. La ISL s’est dissoute en 1958 et la plupart de ses membres ont adhéré au Parti socialiste des Etats-Unis, une minorité de gauche (Hal Draper, Julius et Phyllis Jacobson) est restée indépendante. Le mouvement de la gauche syndicale autour de Labor Notes et la revue New Politics sont les expressions actuelles de cette tradition.


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