Le mouvement ouvrier en Afrique tropicale, 1ère partie (A. Giacometti, 1956)

Les modifications des structures économiques en Afrique.

introduction1ère partie2ème partie3ème partie

Introduction
Les changements ont été ces quelques dernières années rapides et fondamentaux dans les sociétés africaines. L’évolution générale est bien connue et irréversible: c’est le passage d’une société tribale à une société industrielle, d’une économie de subsistance à une économie de marché, d’un statut colonial à un statut de pays indépendant.

Le mouvement syndical africain est un produit de cette évolution. Il est devenu aujourd’hui de plus en plus un acteur, une force prépondérante et unificatrice dans la bataille pour l’émancipation de l’Afrique.

Le mouvement syndical a émergé dans le même temps où le colonialisme européen déclinait en Asie et en Amérique latine; il a atteint sa maturité tandis que le colonialisme européen soutenu par la puissance économique et militaire des Etats-Unis prépare son ultime représentation sur le continent africain.

Le colonialisme européen est une réalité concrète en Afrique. La Russie et la Chine sont des mythes lointains. Les staliniens tentent de jouer de cette situation pour étendre leur influence sur de nouvelles parties du nationalisme africain et du mouvement syndical de ce continent. Ils cherchent à utiliser les masses africaines comme pions dans une bataille qui n’est pas la leur: au gré des changements dans la politique étrangère de l’Union Soviétique, les luttes seront paralysées ou détournées en aventures désastreuses.

L’Afrique est maintenant un enjeu dans la lutte d’influence que se livrent les Etats-Unis et la Russie. Son avenir dépend du degré de capacité du peuple africain à défendre ses propres intérêts face à ces deux puissances. En bref, son avenir dépend de ses luttes d’indépendance, de ses luttes pour le contrôle de l’administration et de l’économie du continent. Encore une fois, le succès de ces luttes est fonction de leur conduite par les propres organisations et dirigeants africains utilisant leurs propres méthodes et leurs propres idées.

Aujourd’hui, le poids de cette lutte repose pour l’essentiel sur la classe ouvrière africaine. Cette cause est la cause de tous les socialistes et de tous les démocrates.

Pour terminer, il est au moins aussi important de connaître ses alliés que ses ennemis. Nous espérons que les observations qui suivent portant sur la formation et l’émergence de la classe ouvrière africaine sur son organisation en mouvement politique et social, ainsi que sur son intervention dans les politiques d’indépendance en Afrique, serviront cet objectif. (* Cette étude n’inclut pas l’Afrique entière. Elle ne comprend pas l’Afrique du Nord et le Soudan, distincts du reste du continent par leur culture, leur langue et leur histoire. Les problèmes ,de ces pays sont plus similaires à ceux des pays du Moyen Orient, et sont aussi mieux connus. A l’autre bout de l’Afrique, l’Union sud-africaine représente aussi un cas particulier qu’on ne peut comparer aux autres pays d’Afrique australe. Néanmoins, on ne peut guère comprendre les problèmes du mouvement syndical en Rhodésie du Sud, par exemple, sans les rapporter aux problèmes identiques existant en Afrique du Sud. C’est pourquoi on a pris en compte ici le mouvement syndical d’Afrique du Sud, dans la mesure où son histoire et sa situation actuelle permet de comprendre le mouvement syndical dans les autres pays africains.)

L’économie
La société africaine est le produit de l’économie africaine. Comprendre la société, c’est d’abord rappeler quelques éléments économiques de base.

En Afrique tropicale, l’économie est de type colonial, organisée de façon à produire un profit maximum dans un minimum de temps. Le taux de profit étant lié au montant du capital circulant, les entreprises qui font le plus de profits dans les régions moins développées sont celles qui reposent presque exclusivement sur l’exploitation des travailleurs.

Dans un pays à faible population et techniquement peu développé, trop faible donc pour résister aux conquérants, ce principe a amené le triomphe d’une économie basée sur la vente par les pays colonisés de ses matières premières et de sa force de travail et l’achat en échange de produits finis. Ils sont ainsi indéfiniment maintenus dans une situation de retard technologique et de bas niveau de vie.
C’est pourquoi les grandes sociétés capitalistes qui ont bâti l’économie africaine d’aujourd’hui ont investi dans ces activités qui ne demandaient que peu, voire pas de matériel, comme par exemple la commercialisation de produits agricoles, du bois, etc. ou qui nécessitaient un équipement très minime en comparaison des résultats comme l’exploitation de mines. Pour sortir la richesse du pays, il fallait des moyens de communication: trains, routes et ports. (* Les sociétés commerciales n’avaient pas pour objectif d’équiper le continent mais de l’exploiter au meilleur coût pour elles. Aussi, ces moyens de communication ont toujours été inadaptés au développement économique. La plupart du temps, le matériel roulant est vétuste, les routes ne sont que des chemins, il n’y a pas de ponts mais des bacs, les ports sont embouteillés. De temps en temps, les gouvernements coloniaux annoncent “des plans de développement pour les territoires d’outre-mer” qui sont la plupart du temps des plans de modernisation des moyens de communications. Appliquant le principe consacré de la’ “socialisation” des dépenses et de la “privatisation” des profits, les grandes sociétés commerciales et minières qui sont propriétaires de l’Afrique ont obtenu des gouvernements qu’ils financent la modernisation des moyens par lesquels ils pillent le continent. A cet égard, le plan français d’investissements gouvernementaux (FIDES) ou le “plan économique de développement” du gouvernement portugais sont typiques. Pour connaître plus en détail ces différents plans, lire: de A.L. Dumaine “La signification réelle du second plan d’équipement et de modernisation des territoires d’Outre-mer” dans la Présence Africaine avril-juillet 1955; de Marcel Willems” Un bilan de la colonisation française: l’économie de l’Afrique noire” dans Les Temps Modernes, avril 1955; et “Un plan de développement des colonies portugaises” dans Présence africaine, août-septembre 1955.)

Les trains, les ports et à long terme, les mines avaient besoin d’une main d’oeuvre stable pour être rentables: les cheminots, les dockers et plus tard les mineurs sont devenus le noyau stable de la classe ouvrière africaine.

Pour les plantations, il fallait avant tout du terrain. Ce terrain, les sociétés l’ont acquis en chassant les tribus africaines qui l’habitaient. Il fallait aussi un large volant de travailleurs saisonniers; on les a trouvés parmi les paysans déracinés et les membres des tribus dont on avait pris la terre, ou qui ne pouvaient plus tirer leur subsistance uniquement de l’exploitation de leur propre terre. Lorsqu’on ne trouvait pas suffisamment de travailleurs volontaires, on avait recours à la force. Des routes, des voies de chemin de fer et des ports ont été construits par une main d’oeuvre recrutée de force, à un prix exorbitant du point de vue des vies humaines et de la désorganisation aggravée de l’agriculture africaine.

Alors, une autre catégorie de travailleurs est apparue: une masse instable et inorganisée de prolétaires sans qualifications, peuplades “détribalisées”, c’est-à-dire arrachées à leur façon de vivre coutumière sans être “urbanisées”.

Ce système de la “main d’oeuvre bon marché” a entraîné plusieurs conséquences importantes: tout d’abord, un développement énorme de l’émigration des travailleurs. Plus de 100’000 hommes, femmes et enfants émigrent chaque année du territoire belge du Ruanda-Urundi vers l’Ouganda et le Tanganyika. Environ 140’000 émigrent du Nyasaland vers la Rhodésie du Sud et l’Union sud-africaine. Environ 100’000 selon les chiffres officiels, mais en réalité environ 200’000 autres quittent la colonie portugaise du Mozambique pour aller également travailler en Rhodésie du Sud et en ‘Afrique du Sud. Plus de 130’000 travailleurs émigrent de la Côte de l’Or vers les territoires voisins sous domination britannique ou française.

Et il ne s’agit là que des courants migratoires les plus importants. Il y a aussi des migrations saisonnières entres les différents territoires dont le volume est difficile à déterminer. En Afrique occidentale française par exemple, de tels courants existent entre les territoires de l’intérieur (Soudan français, Niger, Haute Volta) et les zones côtières (Sénégal, Dahomey, Togo, Côte d’Ivoire).

Ce système de migration de la main d’oeuvre a cependant des conséquences désastreuses sur l’économie. En premier lieu, il est impossible à un travailleur migrant d’acquérir une qualification et une compétence du fait des conditions de travail et de vie. Il doit franchir quelquefois des centaines de kilomètres, souvent avec sa famille, exposé aux maladies et soumis à de dures épreuves. Son salaire est très bas car, en état d’extrême nécessité, il n’est pas en position de négocier avec son employeur. Il espère qu’une agriculture vivrière lui permettra de combler le trou entre son salaire et ce qu’il lui faut pour survivre avec sa famille; l’employeur le sait, et détermine les salaires en considérant qu’ils n’ont pas pour objectif en eux-mêmes d’assurer la subsistance d’une être humain. De plus, si le travailleur immigré travaille dans les plantations, son emploi est généralement saisonnier et ne dure jamais assez longtemps pour lui permettre d’acquérir une certaine qualification. Les lois sociales quand elles existent sont pratiquement impossibles à faire appliquer pour une masse de travailleurs non fixe – il en est de même pour les syndicats.

Enfin, le système de l’émigration de la main d’oeuvre tend à contribuer par son existence même à la destruction aggravée de l’économie de subsistance.

Si des familles entières partent chercher du travail et de la nourriture dans d’autres régions, cela peut entraîner la dépopulation de zones entières; si les hommes seuls émigrent, le travail éreintant d’agriculture vivrière est laissé aux seuls femmes. “De ce fait, ceux qui restent souffrent dans leurs corps, mais de plus l’agriculture africaine originelle et la vie tribale sont mises à mal. Des méthodes de culture primaires résultant de l’absence des plus forts et des plus qualifiés . peuvent amener une diminution des récoltes et la difficulté des populations à produire des aliments est de nature à réduire le niveau de vie dans le secteur de subsistance. C’est ainsi que le besoin de plantations . peut aller à l’encontre de la production vivrière”. (* Un rapport intéressant sur le mécanisme de migration de main d’oeuvre en Afrique orientale britannique mêlant à des sous évaluations de bon ton une franchise inhabituelle, peut être lu dans le rapport du Major Orde Browne au Ministère des Colonies britannique:
“L’émigration (du Ruanda-Urundi) est d’une nature quelque peu complexe. Les indigènes concernés habitent une région qui, bien que fertile, productive et salubre, porte cependant une population tellement dense que le risque de famine est constant. De plus, bien maigres sont les ressources locales qui permettraient de gagner les modiques sommes permettant d’acheter les produits importés les plus évidemment désirables. Les causes de la migration ne résident donc pas seulement dans un désir d’obtenir les salaires plus élevés versés en territoire britannique mais aussi fréquemment dans l’espoir d’être mieux nourris que dans leurs pays. La destination évidente et traditionnelle de ces émigrés est l’Ouganda, où les propriétaires des très vastes plantations sont bien heureux d’employer ces étrangers errants et leur offrent peu d’argent mais des conditions attrayantes, un emploi facile et de la nourriture en quantité. On en est arrivé à un tel stade que l’Ouganda aurait de sérieuses difficultés si le flux normal d’immigration venait à s’interrompre. Au Tanganyika, les origines des flux migratoires sont plus récentes, mais là aussi le problème de la nourriture l’a emporté sur la question des salaires. Il y a eu dans le passé des crises graves où l’on a vu un flot d’immigrés malades et à moitié morts de faim mettre soudainement à mal les ressources du territoire. Il y a néanmoins une tendance récente à faire en sorte d’utiliser cette source de main d’oeuvre, et la situation évolue tout à fait dans ce sens en Ouganda. Au Kenya, le problème n’a pas vu le jour jusqu’ici.”

Si l’on se souvient que 40’000 personnes sont mortes de faim en 1944 au Ruanda-Urundi, on peut résumer en bon français ce rapport de la façon suivante: les économies de l’Ouganda et du Tanganyika dépendent de l’état permanent de malnutrition à la limite de la famine qui règne au Ruanda-Urundi.)

Autre conséquence connexe du système de “main d’oeuvre à bon marché”, l’instabilité des ouvriers dans les villes. Georges Padmore donne une description de la société africaine en Gambie au début des années 1930 qui montre le prolétariat urbain à- sa naissance. Il écrit: “Il n’existe guère en Gambie un prolétariat industriel au sens moderne du mot. La plupart de ces prétendus ouvriers sont des paysans sans terre plus que des prolétaires.

Les autres plantent des arachides, s’entassent dans la “Colonie” pour mendier des petits travaux jusqu’à la récolte et s’en retournent alors dans leurs fermes dans le “Protectorat”. Autant dire qu’ils sont semi prolétaires avec un pied en campagne et un autre en ville mais avec une idéologie définitivement enracinée dans la vie rurale…A part cette catégorie de travailleurs urbains, il existe une classe peu nombreuse d’artisans qualifiés. Ils se rapprochent de la définition du prolétariat moderne. Ils sont surtout employés par le Ministère des travaux publics et par les sociétés commerciales. La construction navale pour le commerce par le fleuve Gambie est assuré le long des quais de Bathurst par des constructeurs de navire indigènes. Certains sont indépendants, d’autres salariés de sociétés et de commerçants privés la plupart du temps syriens. On ne manque jamais de main d’oeuvre dans la Colonie car en plus des centaines d’hommes désoeuvrés toujours disponibles, les employeurs privés mais aussi l’administration embauchent les femmes et les enfants. Ils sont encore meilleur marché que les chômeurs.”

D’une certaine manière, ce type de situation existe encore aujourd’hui. Ne généralisons pas pour l’ensemble de l’Afrique tropicale, les territoires ne se sont pas tous développés à la même cadence. Certains territoires arrivent aujourd’hui à un stade de développement économique que d’autres ont atteint il y a vingt ans. Ce qui n’est plus vrai aujourd’hui en Gambie peut l’être encore en Afrique équatoriale française ou au Mozambique.

Une étude sociologique a été entreprise en 1949 par l’université du Natal sur les travailleurs africains de l’usine de caoutchouc Dunlop de Durban. Elle a montré entre autres que 93% de ces travailleurs étaient encore propriétaires de terres dans les réserves et que seulement 4,8% avaient leur famille vivant avec eux dans une zone urbaine depuis trois ans au moins. Ici aussi, dans une des parties les plus avancées du continent, on trouve des travailleurs “avec un pied en ville et un pied à la campagne”.

Le fait de pouvoir compter sur un morceau de terre permettant d’assurer la subsistance n’est pas non plus pour rien dans le taux de renouvellement ,des emplois industriels extrêmement élevé. Une analyse portant sur environ 7500 postes assurés par 2200 personnes à Durban entre 1917 et 1942 a montré que 50% des travailleurs restaient moins de 6 mois, 68% moins d’un an et que 5% seulement restaient plus de 3 ans. L’étude a toutefois montré qu’à Dunlop, “plus le travailleur africain avait vécu l’emploi salarié et moins il le quittait.”

Dans le cadre d’un système colonial se développant sans rencontrer de résistances, la révolution industrielle a eu un impact beaucoup plus destructeur du point de vue des valeurs sociales et des vies humaines en Afrique tropicale que n’importe où ailleurs. Nulle part ailleurs, la classe ouvrière n’était comme ici sans défense. (* Non seulement contre les mauvais traitements, les bas salaires, etc., mais aussi contre les licenciements massifs qui se sont produits durant les dépressions. Les exploitations agricoles et minières, ces deux piliers de l’économie coloniale, sont particulièrement sensibles aux dépressions. Selon Padmore, l’emploi dans les mines et les plantations est tombé en Rhodésie du Nord de 79’000 en 1931 à 40’000 en 1932, du fait de la crise de l’agriculture et des rationalisations et augmentations de cadence dans les mines de cuivre. Dans le même temps, la production a progressé :

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En Afrique du Sud-ouest, le nombre d’emplois dans les mines est de 7750 en 1930 à 1719 en 1932. A cette date, la masse salariale totale des 1719 Africains représentait 141 487 livres britanniques tandis que celle des 393 Européens également employés dans les mines se montait à 125 765 livres britanniques. Sur ce point, la situation n’a guère changé. En Rhodésie du Sud, le nombre d’emplois n’a pas diminué de 1931 à 1932 mais a au contraire augmenté de 35 à 36’000. La masse salariale des mineurs est toutefois passée de 624’000 à 571’000 livre britanniques. Au Congo belge, l’Union Minière du Haut Katanga employait en 1929 17 257.mineurs et 3758 en 1932.)

En Chine, au Japon ou en Inde, en Afrique du Nord et au Moyen Orient, il existait une classe importante d’artisans organisés en corporations souvent annonciatrices des syndicats. En Afrique tropicale, une telle classe n’existait pas sauf dans une certaine mesure en Afrique occidentale. (* A.W. Pim écrit que les sociétés d’Afrique occidentale d’avant la conquête coloniale étaient “de type militaire mais toutes avec des industries bien installés, certaines considérablement développées sur le plan artistique, et montrant une activité commerciale intérieure non négligeable. “En Afrique orientale, la seule société du même type était le royaume du Buganda en Ouganda.)

Il n’y avait aucune industrie comparable aux fonderies ou aux fabriques textiles qui existaient par exemple en Inde avant la conquête britannique.

Vers la fin des années 1930, la classe ouvrière africaine était composée d’un petit noyau de travailleurs des transports et des mines, ces derniers pour la ‘plupart migrants; d’une masse de paysans soumis au travail forcé dans les plantations ou les travaux publics, ou produisant dans des conditions proches du servage des récoltes destinées à la vente pour le compte de sociétés commerciales; et finalement une masse de paysans sans terre migrants. A part une faible minorité, tous étaient sans qualification.

La deuxième guerre mondiale a modifié cet état de fait dans les régions les plus évoluées. D’abord, elle a sorti l’économie coloniale de la dépression. Les matières premières stratégiques ont connu un boom; on a dû développer les activités industrielles dans certains secteurs, après la perte de l’industrie européenne et les difficultés de communication avec le reste du monde. (* Les échanges internes en Afrique représentaient en 1938 7,7% du volume total des exportations; en 1948, du fait de la guerre, ce pourcentage était monté à 13%. (Naville, “Structure de l’industrie et du commerce” dans Présence Africaine,13.)

L’Afrique orientale et le Soudan sont devenus des bases guerrières. On trouvera ci-dessous des exemples du bond qu’a fait la production de charbon, d’électricité et de minerais dans certains territoires africains (les chiffres pour le charbon sont exprimés en millier de tonne, pour l’électricité en kilowatt/heure et pour les minerais (exportations autre que l’or) en millions de dollars américains):

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La seconde guerre mondiale a ainsi mis en marche en Afrique tropicale un processus qui avait t seulement vu le jour en Union Sud Africaine pendant la première guerre. Une croissance  industrielle rapide a transformé les structures sociales du Congo Belge, des Rhodésieset dans une moindre mesure des territoires britanniques d’Afrique orientale et occidentale. Une classe ouvrière environ deux fois plus importante qu’avant la guerre s’est developpée. (* L’augmentation de la population urbaine africaine est une autre indication frappante du développement simultané de l’industrie et du prolétariat urbain. En 1940, Léopoldville, capital du Congo Belge, comptait environ 45’000 habitants africains; elle en comptait en 1945 presque 250’000. La population africaine d’Elisabethville est passée de 8301 en 1940 à 33 496 en 1948 Brazzaville, Dakar et d’autres pays ont grandi au même rythme.)

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Mais plus important encore que la croissance numérique fut le changement qualitatif qui se produisit au sein de la classe ouvrière.

Les activités industrielles et minières ne pouvaient être assurées de façon rentable sur une grande échelle par une main d’oeuvre migrante et instable, incapable par définition de travail soutenu et d’acquisition de connais3ances. Même dans les plantations, on a estimé que les cultures commerciales ne pouvaient être exploitées de façon profitable avec des travailleurs migrants.

Qui plus est, la vie tribale avait été tellement désorganisée par les migrations que la dépopulation guettait certaines régions, au point de diminuer sérieusement la production alimentaire. Cela chassait alors plus encore de personnes de l’agriculture vivrière et les forçait à tenter de trouver ailleurs leur subsistance. Au Nyasaland par exemple, la migration saisonnière avait pris de telles proportions que le gouvernement dût promulguer en 1948 une loi créant une saison interdite à l’émigration, entre Novembre et Février, afin d’être sûr que les semences pour la consommation locale et pour l’exportation soient plantées.

Aussi les grandes sociétés d’Afrique tropicale commencèrent-elles à fixer leur main d’oeuvre près de leur lieu de travail en mettant à leur disposition certains moyens qui n’existaient pas auparavant (logement relativement décent, accès plus facile aux emplois qualifiés, etc.) C’est cette politique qu’ont suivi Firestone au Liberia, Unilever en Afrique occidentale et surtout l’Union Minière du Haut Katanga au Congo Belge. En 1925, alors que la migration de main d’oeuvre prévalait au Congo Belge, l’Union Minière employait 13 849 travailleurs africains qui étaient accompagnés de 2507 femmes et 779 enfants. En 1952, la société avait construit des villages miniers qui hébergeaient 18 465 hommes, 14 647 femmes et environ 28’000 enfants. Comme le di t Basil Davidson, “tandis que les populations rurales du bassin central du Congo décroissent et menacent de disparaître, l’industrie moderne a créé ici dans ce Katanga aride une population urbaine entièrement nouvelle.”

En 1952, on a constaté qu’environ la moitié des 20’000 Africains employés par l’Union Minière étaient employés sur une base permanente par la société depuis la ans, et que 3566 l’étaient depuis plus de 16 ans.

L’emploi de main d’oeuvre migrante dans les mines sur une grande échelle n’existe plus aujourd’hui que dans la région Sud africaine. Dans les mines de cuivre de Rhodésie du Sud existe un système intermédiaire. Une grande partie des mineurs africains sont logés- aux environs des mines mais certains immigrent encore du Nyasaland et du Mozambique.

Ordre Browne faisait remarquer en 1946: “On constate cependant dans tous les cas que l’employeur est un grand groupe minier; il ne fait pas de doute que le grand nombre de personnel requis et le capital disponible considérable jouent un rôle dans la politique plus sociale de ces importantes entreprises.”

Voilà les facteurs qui, à la base, ont façonné l’économie africaine, la société africaine et la classe ouvrière africaine. L’économie est formée de trois secteurs d’inégale importance: un secteur tribal primitif d’agriculture vivrière; un secteur d’agriculture commerciale africaine, composé de petits paysans produisant pour le marché; et enfin le secteur commercial européen. En 1950, 60% de la population mâle adulte totale était dans l’agriculture vivrière, 18% dans le secteur d’agriculture commerciale et 13% étaient des salariés employés en dehors du cadre de l’économie rurale indigène. La tendance est néanmoins à une expansion des deux derniers secteurs aux dépens du premier. Une bonne partie de la population abandonne l’agriculture vivrière pour pouvoir acheter des biens de consommation et aussi parce que l’agriculture vivrière ne peut plus satisfaire les besoins d’une population en augmentation.

Beaucoup de paysans quittent aussi le secteur de l’agriculture commerciale pour échapper aux brutalités et à l’état de servage dans lequel les tiennent les grandes sociétés. Ils deviennent alors des travailleurs migrants.

Le pourcentage de population produisant pour le marché est plus important au Congo Belge où l’industrie est développée, et en Côte de l’Or où domine dans le secteur agricole la culture du cacao. Ce pourcentage est plus faible en Afrique Occidentale Française. Un tiers de la population salariée est employée dans le secteur agricole. On peut . encore définir une grande partie de la classe ouvrière africaine par les caractéristiques suivantes: une très nombreuse main d’oeuvre migrante, une population africaine urbaine instable et un taux élevé de renouvellement.

Les seuls territoires au sud du Sahara où existe de façon significative une industrie lourde et où par conséquence existe une classe ouvrière industrielle autre que les mineurs et les cheminots, sont la Rhodésie du Sud, le Congo belge et l’Union Sud Africaine. (* En 1948, le gouvernement de Rhodésie du Sud a construit à Que Que une aciérie qui produisait en 1953 36’000 tonnes de saumon de fonte et 25’000 tonnes d’acier. On y a ajouté en 1954 une petit fourneau et un autre à foyer ouvert. On s’attend à une progression de la production de saumon de fonte jusqu’à 80’000 tonnes par an et d’acier jusqu’à 65’000 tonnes. Est apparue aussi une petite industrie manufacturière: tubes d’acier à Que Que, machines-outils à Salisbury, etc. Le degré relatif de développement industriel des principales régions d’Afrique tropicale peut être mesuré en grande partie par la consommation d’acier brut (en milliers de tonnes) et d’énergie (en équivalent de milliers de tonnes de charbon par tête). En 1953, les chiffres étaient les suivants:
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Si l’on imagine la société africaine comme une pyramide, les trois secteurs décrits ci-dessus se superposent: le secteur de l’agriculture vivrière forme la base; au dessus, une petite pointe représentant les travailleurs salariés permanents et au sommet, une partie encore plus petite représentant les travailleurs permanents dans l’industrie. Il n’existe guère de bourgeoisie africaine, à part en Côte de l’Or, au Nigeria et en Côte d’Ivoire, où elle est composée de la couche supérieure de la classe paysanne indigène.

La classe ouvrière
Tournons nous maintenant vers les statistiques pour examiner plus attentivement la classe ouvrière africaine, sa force numérique, sa nature et sa composition.

Avant d’aller plus loin, cependant, il es nécessaire de faire une remarque sur les statistiques concernant l’Afrique. A peu près toutes les statistiques fondamentales, y compris celles concernant le monde du travail, ne sont pas fiables et doivent être considérées au mieux comme des approximations et au pire comme des tentatives délibérées de cacher la réalité. Au contraire des statistiques sur les importations et les exportations qui sont toujours très complètes et justes, les chiffres de recensement et les statistiques essentielles sont souvent très hasardeuses car basées généralement sur la méthode des échantillons ou même sur des méthodes encore plus approximatives. Les statistiques concernant le monde du travail ne sont apparues que récemment, sous la pression du mouvement syndical en Afrique et dans une certaine mesure des démocrates à l’extérieur: à ce jour, le rapport des puissances coloniales aux Nations-Unies reste la source de données la plus complète.

Chaque territoire publie ses propres chiffres et établit des catégories selon ses propres critères, souvent différents des critères utilisés par d’autres gouvernements. Le gouvernement français, par exemple, espérant dissimuler son échec dans le développement de ses colonies, a gonflé la catégorie “industrie” en ajoutant aux travailleurs des manufactures ceux de la construction et des travaux publics. Selon une estimation, sur les 140’000 travailleurs classés en 1951 sous “industrie” pour l’ensemble de l’Afrique française (Madagascar exclu), pas plus de 30’000 ne travaillaient réellement dans des manufactures, c’est à dire dans l’industrie même. Ce n’est pas une mince nuance si l’on sait que la grande majorité des salariés des “travaux publics” et de la “construction” sont des travailleurs sans spécialité, souvent temporaires.

Certains gouvernements classent le traitement de produits agricoles (l’égrenage du coton, le pressage de l’huile etc.) sous “agriculture”, d’autres sous “industrie”, gonflant ainsi une fois encore cette dernière catégorie, bien que la plupart du traitement soit effectué sur les plantations et soit intimement lié à la vie rurale. Dans ce domaine comme dans d’autres, il semble que les statistiques britanniques soient plus fiables que les autres.

Une autre pratique trompeuse du gouvernement français est de classifier sous “administration” les personnes qui sont obligées par les administrations locales d’effectuer ce qui ressort du travail forcé, comme la construction et la réparation de routes, etc. Le gouvernement français incluait dans une statistique de -1951’145’000 travailleurs sous “administration et services publies” pour l’ensemble de l’Afrique française, alors qu’on estimait que le travail forcé représentait 2/3 de ce chiffre.

Nous n’avons pas dans notre présentation séparé la construction, les travaux publics et l’industrie pour plus de commodité. D’une manière générale, le secteur “construction et travaux publics” est beaucoup plus important en Afrique Equatoriale Française, au Nyasaland, en Ouganda et en Côte de l’Or. Le contraire n’est vrai qu’au Congo Belge, en Rhodésie du Sud et à Madagascar, bien que pour ce dernier les statistiques soient sujettes à caution. Ci dessous figurent trois exemples:

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Nous avons tenté d’isoler les fonctionnaires sous la catégorie “administration”. Lorsque cela n’était pas possible, ils sont classés sous “Divers”. Le seul chiffre qui n’ait pas été changé est celui concernant le Cameroun français; on peut estimer sans risque d’erreur qu’au plus un quart des 35 400 classés sous “administration” sont fonctionnaires.

La catégorie “agriculture” comprend la pêche, .l’élevage et pour les territoires britanniques les industries de traitement des produits agricoles. Le secteur “Mines” comprend aussi l’exploitation de carrières. Dans “Divers”, on a mis tout ce qui ne pouvait être classé ailleurs: les cols blancs de l’industrie et du commerce privés, les vendeurs de magasins, les enseignants, les employés de maison, les serveurs de restaurants, etc. ainsi que d’autres catégories qu’il était impossible d’isoler (Rhodésie du Sud, Congo Belge, Afrique Occidentale Française). Les statistiques sont incomplètes pour les Somalies, la Sierra Leone et les Camerouns britanniques mais comprennent néanmoins la majorité des travailleurs salariés de ces territoires.

La proportion élevée de salariés dans les deux Rhodésies reflète le degré relativement important d’industrialisation de ces territoires, comme nous l’avons vu auparavant. On n’a pas pris en compte la Gambie car aucune donnée n’était disponible à part le nombre total de salariés. Ce nombre était de 3062 en 1952, soit 1,1% de la population totale de 291 593 personnes.

Il a fallu aussi laisser de côté certains autres pays pour lesquels aucune donnée correcte n’était disponible. C’est en particulier le cas de l’Ethiopie qui publie de nombreux chiffres sur son commerce extérieur mais pratiquement rien sur sa population. Pour trouver une estimation valable de la classe ouvrière de ce pays, il faut remonter aux statistiques du gouvernement fasciste dans la période d’occupation italienne. Elles indiquaient pour 1937 un total de 54 400 travailleurs non italiens et 89’000 pour 1939. Le seul chiffre actuel disponible est celui du nombre de travailleurs employés dans l’industrie (conserveries, scieries, ateliers de réparation, imprimeries, briqueteries, etc.). Ce chiffre était de 8552 en 1951. Le secteur industriel le plus répandu semble être la menuiserie avec 12 entreprises employant 1215 travailleurs. La plus importante concentration de travailleurs se trouve dans une filature de coton à Dire-Dawa où travaillent 1070 personnes. En 1952, 4077 personnes, dont certaines en Somalie française et en Ethiopie, étaient employées par le chemin de fer franco-éthiopien. Ethiopian Air Lines, compagnie aérienne filiale de TWA, occupait en 1950 241 travailleurs. (Guide sur l’Ethiopie, Chambre de Commerce, Addis Abeba, 1954).

En sus de ces travailleurs de l’industrie, il y a aussi un bon nombre de travailleurs agricoles des plantations de café et de coton pour lesquels aucun chiffre n’est disponible. C’est aussi le cas pour quelques travailleurs du pétrole dans l’Ogaden, où les compagnies américaines ont commencé à forer récemment, et pour un certain nombre de dockers à Massawa et Assab. Le journal de propagande officielle New Times and Ethiopia News ne nous apprend rien, sinon que “il existe une nombreuse main d’oeuvre disponible à des salaires bien inférieurs aux salaires européens et nord-américaines. Le travailleur éthiopien est intelligent, aimable, désireux d’apprendre, et c’est un travailleur acharné.” (26 mars 1955).

Les chiffres concernant le Libéria sont presque aussi difficiles à obtenir. La plus grande entreprise -et de loin- est la plantation de caoutchouc de Firestone (environ 2000 km2) qui emploie entre 25’000 et 30’000 travailleurs. Les autres principales concentrations de travailleurs se situent semble-t-il, à la nouvelle’ mine de fer de Boomi-Hills (environ 400 travailleurs) qui est propriété de US Steel, et au port de Monrovia.

Les colonies portugaises de l’Angola, du Mozambique et de Guinée publient des statistiques mais peu nombreuses et incomplètes.

Pour l’Angola, des estimations dignes de foi donnent un chiffre total qui varie entre environ 400’000 travailleurs (300’000 travailleurs “libres” et 100’000 soumis au travail forcé) et 779’000 (400’000 travailleurs libres et 379’000 soumis au travail forcé). Des sources officielles ont admis qu’il Y avait en 1949 101 994 personnes soumises au travail forcé. Selon David Davidson, la différence est minime dans les terres entre travail forcé et travail “libre”, alors que la différence commence à être perceptible sur la côte. On sait également que 17 402 personnes travaillent dans les mines en 1949.

On en sait encore moins sur le Mozambique. Les chiffres concernant la population indigène économiquement active en 1940 donnent une idée approximative. La population indigène totale est de 5 millions de personnes environ, dont 2 280 555 vivent “sur la terre”, c’est à dire sont agriculteurs, 104 415 quittent le pays pour trouver du travail ailleurs (Union Sud Africaine, Rhodésie du Sud). Ce chiffre d’ailleurs était probablement sous-estimé de 50’000 environ en 1940. Le reste se divise comme suit:

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Ces chiffres comprennent les salariés et les employeurs, mais on peut raisonnablement penser que les premiers représentent une grande majorité particulièrement parmi la population indigène. Il est .possible toutefois que cela ne soit pas vrai dans le commerce, comptabilisé sous “divers ». Les chiffres étaient les suivants pour le nombre de salariés en 1952:

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Sous “Industrie manufacturière”, on inclut les matériaux de construction, l’alimentaire, le textile, le cuir, l’industrie chimique et la production d’énergie. L’immense majorité.des travailleurs ci-dessus sont africains, une poignée seulement européens et asiens.

Classification des travailleurs salariés des principaux territoires d’Afrique tropicale (travailleurs africains uniquement). Voir sources à la fin de l’article.

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On trouve aussi des cheminots et des dockers à Beira et à Lourenço Marques, les deux ouvertures de la Rhodésie vers la mer. On n’a aucune statistique quant à leur nombre. Quant au travail forcé, rien n’a été publié sur ce point depuis 1928. En 1927, le nombre des personnes soumises au travail forcé était de 143 128 et en 1928 de 207 233.

Les territoires inclus dans le tableau ont une population globale de 91’596’000 personnes soit approximativement 80% de la population totale d’Afrique tropicale. Les travailleurs salariés représentent environ 5% de la population, soit 4,5 millions de personnes.

Un quart de ces salariés travaillent dans les manufactures, les mines ou les chemins de fer. Comme nous l’avons vu, quand on parle de manufactures, on entend presque toujours une industrie légère. L’industrie lourde n’existe guère ailleurs qu’en Rhodésie du Sud et au Congo Belge.

Un tiers des salariés est composé de travailleurs agricoles, le groupe le plus important en soi. Le reste se répartit dans plusieurs activités différentes. En terme de conscience et d’organisation de classe, le poids le plus important est exercé par les fonctionnaires dans les territoires sous domination française et par les travailleurs du commerce dans les territoires britanniques.

La grande majorité de ces travailleurs est sans qualification, comme en témoignent les chiffres ci-dessous:

tbl-moac01-13a.jpgSur les plantations Firestone du Liberia, il y avait en 1947 une proportion de 22’000 manoeuvres pour 2500 travailleurs qualifiés ou semi qualifiés. Même dans les entreprises industrielles modernes et hautement mécanises, les travailleurs non qualifiés sont souvent les plus nombreux. Les “chantiers navals et industriels du Congo Belge” de Léopoldville emploient 3284 travailleurs, dont 270 sont des ingénieurs et des employés administratifs, 450 des riveurs et 2215 des manoeuvres.

On devrait ajouter que plusieurs des travailleurs “qualifiés” sont en fait semi-qualifiés et que certains des “semi-qualifiés” sont plutôt, au moins dans les statistiques françaises, des travailleurs à peine spécialisés.

Les femmes et les enfants sont encore employés sur une grande échelle, souvent à des travaux pénibles. Il est caractéristique que le nombre d’enfants employés soit souvent plus élevé que le nombre de femmes. Au Tanganyika en 1949, 22775 femmes étaient. employées (dont Il 150 dans l’agriculture) contre 39 362 enfants et 411 851 hommes. Au Nyasaland, la proportion était de 4826 femmes pour 17 519 enfants et 72 347 hommes. Au Togo français, 1441 femmes, 2160 enfants et 17 468 hommes étaient employés en 1954.

Cette classe ouvrière peut paraître numériquement très faible mais son rôle est sans commune mesure avec son nombre, du fait de son organisation et de sa position stratégique dans l’économie.
Pour comparaison, rappelons qu’il n’y avait en Chine en 1937 que 2 millions de travailleurs dans l’industrie, c’est-à-dire 0,5% de la population totale. 33 En Russie, seulement 10% tiraient en 1913 leur subsistance d’un travail dans l’industrie, les mines et les transports. (* “En 1930, trois ans après la révolution chinoise, il n’y avait que 800’000 travailleurs industriels en Chine (mineurs et cheminots exclus, mais y inclus certains artisans des villes).”)

La prolétarisation s’étend bien au delà du n9yau propre des salariés. En Afrique occidentale française, en Afrique orientale britannique, en Afrique centrale et dans les colonies portugaises, les formes anciennes de la vie en tribu et paysanne disparaissent très rapidement à la cadence où continue la destruction de l’économie vivrière. Pierre Naville cite une personnalité qui déclare qu’en Afrique occidentale française, l’immense majorité des paysans line reste plus à l’abri du cadre des anciennes institutions sociales qui les protégeaient. Ils sont au contraire exposés, dans les village eux-mêmes, à des puissants facteurs qui les poussent à la prolétarisation comme des exigences de travail qu’ils ne peuvent pas remplir, “des nécessités de transport, l’émigration des jeunes….”

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